Les yeux fixés sur l’horizon, Namira observe avec attention la descente du soleil sur Azracca. La lumière mourante de l’astre donne un aspect sanglant aux falaises, comme si l’ocre avait soudain été couvert d’incarnat. A un autre moment, un autre instant, la brune aurait pris de longues minutes pour se délecter de la vue grandiose et se gorger de lumière. Au lieu ses doigts tapotent nerveusement le mur contre lequel elle se tient. Elle attend. Quelques minutes seulement. Le temps que l’obscurité avale la cité et que les quelques silhouettes des passants se transforment en ombres. Le moment parfait pour que les criminels puissent sortir des allées malfamées et vaquer à leurs activités. Les yeux sombres se plissent devant l’éclat de l’astre à l’agonie et une goutte de sueur vient glisser le long de sa joue. Elle est pourtant habituée aux fortes températures, Namira, ses parents ayant erré dans le sud désolé durant de longs mois, persuadés de moins attirer l’attention que dans des villes de plus grande qualité. Elle jette un coup d’œil sur sa compagne d’infortune, la peau si pâle et les yeux si clairs. Sans bruit elle vient se placer devant elle, tentant de lui donner un maigre répit en étalant son ombre sur sa silhouette. Le vent qui souffle ne peut même pas apporter d’apaisement à la fae, car il est chaud, ce sont des bourrasques brûlantes qui viennent les attaquer lames après lames.

Machinalement ses doigts viennent parcourir la dague soigneusement rangée à sa ceinture, une prière mentale adressée à Drachna, implorant son aide dans la réalisation de leur périlleuse mission. Lorsqu’elle rouvre ses paupières c’est le crépuscule qui l’attend. « C’est l’heure. Allons-y ». Et d’un pas assuré elle se dirige vers une minuscule ruelle. Les espions d’Ad Astra ont parlé, ici, elles devraient pouvoir trouver l’une des cachettes du Collectif. De quoi se fournir en potions et en matériel de toute sorte. Du moins si elles réussissent. L’endroit est censé être désert, l’accès facile. Mais Namira n’appelle une mission « aisée » que si celle-ci est déjà terminée.

Parmi les rares passants qu’elles croisent, pas un n’accroche un œil suspect sur leur personnes. Non pas car elles ont réussi à se rendre parfaitement invisibles où passe-partout, mais tout simplement car elles ne semblent pas plus suspicieuses que les autres. Dans ce quartier de la ville ou les établissements louches font légions, les gens préfèrent ne pas poser de questions, ne pas s’attarder et continuer leur route. Chacun son objectif sans s’occuper des autres. Les jeunes femmes avancent jusqu’à ce que la ruelle se transforme en impasse. Juste un muret qui les sépare d’une vieille maison abîmée, semblant tenir debout uniquement par chance. Sans bruit elle s’agenouille à terre, avant de faire la courte échelle à Nemesia. Une fois la rousse ayant passé le muret, elle la suit à son tour. Il faut ensuite de nouveau grimper. Du coin de l’œil elle peut voir le balcon, la maison est petite et l’escalade rapide pour y arriver.

Comme le reste de la demeure, la fenêtre est abimée, branlante, le bois du chambranle vermoulu, le loquet couvert de rouille et tordu. Une chance. L’ouvrir devient alors facile, car si Namira a pu découvrir les rudiments de l’art du crochetage de serrure dans son enfance, c’est une discipline qu’elle a très vite abandonnée, manquant de la patience nécessaire à la réussite de l’art minutieux. La fenêtre s’ouvre avec un minuscule grincement et la brune se coule silencieusement dans l’embrasure. Avance jusqu'à ce que le couloir devienne une pièce. En face un escalier, menant à ce qui semble être un ancien salon. Namira commence à se diriger à tâtons vers celui-ci lorsqu’elle se fige.

Depuis son emplacement, contre la rambarde, elle peut voir du coin de l’œil une veille table. Sur celle-ci une chandelle presque éteinte, éclairant à peine les cartes qui sont posées sur le bois. L’obscurité est presque totale. Mais cette lumière, si maigre soit-elle suffit largement à faire danser des ombres sur le visage des joueurs. Immédiatement, comme si on l’avait brûlée, Namira recule. Le murmure qui sort de sa bouche est presque affolé, lorsqu’elle se tourne vers Nemesia. « Je croyais que l’endroit était censé être désert. » Lueur d’incompréhension qui disparaît immédiatement lorsque les yeux bleus se posent sur l’endroit qu’elle a indiqué. « Merde, merde, merde. ». Namira secoue la tête. « Mieux vaut partir. ». Elles ne sont pas préparées pour ce type de mission. Pas assez armées. Rapidement, les deux rebroussent chemin sans bruit. Au moment ou elles sont presque retournées à la fenêtre, comme une signe ironique du destin, une nouvelle violente bourrasque de vent secoue la fenêtre laissée entrouverte et celle-ci se rabat en un bruit de fin du monde.

Merde.

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR Valruna

Lueurs d'un astre mourant à l'horizon, qui viennent illuminer les falaises comme pour en accentuer le tranchant. Pics qui s'élèvent haut dans le ciel, comme pour vernir le transpercer de tout l'orgueil des Hommes, comme s'il suffisait d'escalader les rochers pour s'immiscer dans la Cité d'Or. Sous la chaleur étouffante, Nemesia s'improvise princesse des sables, se faufilant à travers les ruelles étroites d'Aramor. Son turban la protégeant du soleil, elle suffoque pourtant dans ces habits inconfortables. La nécessité de se fondre dans la masse, bien qu'elle doute que quiconque dans le village ne la reconnaisse.
Princesse égarée loin de chez elle, c'est en Namira qu'elle trouve ses repères, les deux ayant l'habitude de collaborer sur de nombreuses missions pour la secte. Elles ont trouvé leurs marques depuis longtemps, chacun s'étant imposée avec fracas dans la vie de l'autre. D'abord dans la hargne et la méfiance, avant que leurs secrets ne les rapprochent. Et puis ça a été comme une évidence, parce que Nemesia l'a vue dans ses yeux, cette même fracture qui se reflète dans son regard à elle. Elles sont brisées pareilles, toutes les deux. Et depuis trop d'années désormais, la Vanserra n'a su trouver quelqu'un d'autre en qui placer la même confiance aveugle que celle qu'elle a remise entre les mains de la Marieuse.

Namira lui lance un regard entendu, et les deux complices s'élancent dans une ruelle sensée les mener droit vers la planque du Collectif — leurs sources sont formelles. La fae ne peut s'empêcher de songer aux mille et unes différences entre cette nation et la sienne, des nuances d'ocre venant colorer le village aux senteurs pimentées des épices exotiques vendues aux quatre coins du marché. La gamine facilement impressionnable en elle ne peut s'empêcher d'être émerveillée par ce décor étrange, et elle laisse son regard s'accrocher aux moindres petits détails tout au long de leur traversée. Si seulement la chaleur écrasant du soleil pouvait leur accorder un instant de répit, mais Hélion ne semblait jamais s'arrêter de briller dans cette ville aux températures infernales. Intérieurement, Nemesia l'implora de faire preuve de clémence ; elle qui se tournait rarement vers ce dieu-soleil ne pouvait nier son impitoyable présence en ce jour, où il triomphait sur les cieux de toute sa puissance. Dans une prière silencieuse, la princesse lui demanda de lui conférer un peu de sa force inébranlable, de son assurance. Quelque chose lui murmure qu'elles en auront besoin, les choses ayant souvent tendance à dégénérer dès qu'un fae de l'Automne est impliqué. Le prix à payer pour leurs pouvoirs, prétend-on.

Arrivées à destination, elles se hissent jusqu'au balcon, vipères s'invitant dans le nid de leurs proies. Sans un bruit la fenêtre coulisse, les comparses se glissent à l'intérieur, disparaissant sans un seul regard pour remarquer leur petite manigance. Mais eu lieu du silence qui aurait dû les accueillir, Nemesia perçoit des rires étouffés, et son regard croise aussitôt celui de Namira. « C'est pas ce qui était prévu, elle souffle en réponse à sa complice. » Lorsque l'hybride suggère de faire demi-tour, elle ne peut qu'appuyer cette décision. Elle aurait dû emporter son masque d'Astrale, son absence lui fait l'effet d'un vide atroce, angoissant ; elle se sent presque démunie, mise à nue. D'un geste nerveux, elle replace son capuchon sur ses épaules, couvrant un peu mieux sa chevelure blonde et enfonçant le bas de son visage sous le châle. « T'as raison, faut qu'on sorte d'ici. » Elles font machine arrière, ou du moins en ont l'intention.

Et d'un seul coup,
elles ne contrôlent plus rien.

Le vacarme menace de les trahir, attirant l'attention de deux des hommes attablés. D'un bond ils se redressent, s'élancent droit vers elles. Instinctivement, Nemi dégaine sa dague adenoise, laissant le métal froid la rassurer quelque peu au contact de sa peau. L'impression d'être une souris prise au piège, et pourtant elle attrape sa fiole de potion soporifique comme quelqu'un qui n'a déjà que trop l'habitude de devoir effacer ses traces. « On n'a pas le temps de filer, cache-toi. » Les liens qui les unissent sont faits de métal, Nemesia en jurerait ; comme deux marionnettes raccrochées aux mêmes fils, leurs mouvements étant la prolongation de ceux de l'autre. Deux ombres d'une même vérité, âme-jumelle qui fait battre leurs coeurs à l'unisson. Sans un mot, elles trouvent leur place l'une auprès de l'autre, connaissent déjà la partition par coeur. Le dos plaqué contre le mur, derrière le battant de la porte trop étroit pour les camoufler toutes les deux, elles savent qu'elles devront bondir hors de leur planque de pacotille pour profiter de l'effet de surprise. Accrochée à sa fiole, Nemesia espère avoir l'opportunité de l'administrer rapidement à l'un des deux hommes s'avançant droit vers elles.

Le premier entre dans le couloir, faisant grincer le plancher sous ses pieds. Retenant son souffle, la Vanserra ne peut qu'espérer que leur duo se tirera de ce faux pas comme elles l'ont toujours fait jusqu'alors.

@namira a'athryn

C’est à croire que le destin s’acharne. La mission qui devait être facile- une occasion permettant aux deux comparses de se retrouver plus qu’une véritable escarmouche – risque de tourner au véritable bain de sang. La seule question qui demeure est … ceux des membres du collectif ? Ou le leur ? Le silence de plomb semble s’étirer et chaque seconde possède une part d’infinité. Elle a le cœur qui bat la chamade, Namira. Ce n’est pas sa seule vie qui est dans la balance, mais également celle de Nemesia, la seule personne qu’elle a juré de protéger. La brune a presque envie de hurler. Au lieu ses poings se crispent et lentement, de manière à ne faire pas un bruit, elle sort sa dague de son fourreau. Echouer n’est pas une possibilité qu’elle envisage.

Elle est plaquée contre une porte aussi fine que du carton, presque persuadée que ceux qui passent à côté peuvent entendre le vacarme de son palpitant. C’est un effort que de garder sa respiration calme et mesurée. Chaque instant de silence est un moment gagné. Les yeux sombres attrapent les clairs, tentant –tant bien que mal – de mener une conversation muette. Elles se connaissent, dans le calme comme dans l’adversité et aujourd’hui c’est un avantage. Pas besoin de mots. Au lieu la brune colle son oreille contre la porte. Ils ne sont que deux. Il faut se débarrasser d’eux. Mais ensuite quoi ? Partir laissant des corps dans leur sillage et d’autres en vie sans savoir ce qu’ils auraient pu voir ? Risquer d’avantage encore et tenter de tuer les survivants ? Plus rien ne semble sûr. Alors pendant l’espace d’une seconde, ses lèvres bougent sans bruit, récitant une prière. Les pensées qui vont à Drachna pour se donner une force qui semble la quitter, la résilience nécessaire pour tenir.

Elle voit Nemesia et sa potion à la main, elle saisit sa dague. Ils approchent de la porte. Maintenant. Elle ouvre grand la porte, Namira et le corps s’élance, déterminé. Les deux hommes sont visiblement surpris, de toute évidence ils ne s’attendaient pas à ce que la source du bruit soient deux femmes et encore moins deux femmes armées jusqu’aux dents. Sans perdre une seconde la brune se jette en avant. Le mouvement est répété, appris depuis bien longtemps, utilisé de nombreuses fois. La lame tranche et le sang vient couler à gros bouillon, la mort n’est pas instantanée mais à moins de soins urgents elle ne saurait tarder. La brune réussi à ralentir la chute de l’homme et quelque part à l’amortir. Le bruit produit est léger, assez, espère-t-elle pour ne pas attirer d’avantage d’attention. Les yeux sombres attrapent un instant ceux du mourant, elle peut voir une question, Namira, une demande. De l’aide surement. Ou peut-être se demande-t-il qui est-elle pour venir interrompre sa vie. On ne s’attend jamais à mourir et certainement pas quand il ne s’agit que d’un soir comme les autres. Une garde banale comme on en fait tous les jours.

Qu’importe, elle n’a pas le temps de le regarder passer de vie à trépas, de lui tenir la main pendant les longues minutes d’agonies qui l’attende. Déjà elle se retourne vers Nemesia, prête à l’aider coûte que coûte.

CODAGE PAR AMATIS
AVATARS PAR Valruna