Le feu emplissait les couloirs, léchant les murs de sa langue perfide. L’aura terrifiante s’emparait des lieux, et l’on ne savait s’il s’agissait de la fumée dégagée par les flammes, cendres ocres qui venaient noircir la pierre, ou s’il s’agissait des ténèbres eux-mêmes. La gamine court, bousculant sur son passage des élèves du même âge. Les faes se mettent à crier, haletants, ils tentent d’échapper à l’horreur. Mais la gamine continue de courir, bravant les flammes ardentes de justesse. - I need to find her, I need to find her. Qu’elle ne cesse de répéter. Les flammes semblent s’ouvrir sous ses pas, comme si elles reconnaissaient leur maîtresse. Elles s’éloignent, tracent un passage. La fumée noire se développe, obscurité saisissante qui s’empare du corridor. La gamine s’arrête, suffoque un instant. Elle peut sentir son souffle la quitter, l’oxygène qui brûle à toute vitesse et l’empêche de se nourrir de l’air salvateur. Mais elle n’a pas le choix, au creux de son myocarde, elle le sent. Des bruits de pas se font entendre derrière elle, venant dans sa direction. Mais elle n’ose pas se retourner, comme si elle savait que c’était elle. La créature. Elle se remet à courir, balançant ses bras en avant pour se frayer un chemin à travers l’incendie. Là, elle l’entend. Son prénom, chuchoté comme si on venait lui murmurer à l’oreille. - Hylia.. La voix n’est pas claire, le son n’est pas net. Mais elle pourrait reconnaître cette voix à travers une marée humaine. La sœur-âme soufflait son nom, l’appelait à l’aide. Elle avait besoin d’elle, besoin d’elle pour se sentir en sécurité. Pour se sentir complète. Parce qu’à l’image du Soleil et de la Lune, elles n’étaient que la face inverse d’un même entité. Elles étaient célestes, divines. Elles ne pouvaient vivre l’une sans l’autre. La princesse pouvait sentir le lien invisible, la liant à sa sœur, se resserrer. Elle approchait du but. L’obscurité se rapprochait, et les bruits de pas de la créature derrière elle, continuaient de se rapprocher eux-aussi. Alors, essoufflée, mais comme enhardie par une nouvelle étincelle, la gamine se remit à courir de plus belle. Elle s’arrêta alors devant une porte, au bois massif. Des lianes et fougères étaient taillées à même la porte, et en son cercle, un arbre aux feuilles mortes. Elle l’observa un moment, avant d’approcher sa main de la porte. Le bois était déjà noirci par les flammes, dévoré par la puissance du démon. – I’m here, I’m gonna get you out of this. N’hésitant plus, elle plaqua sa main sur la poignée. Une main attrapa cependant la sienne, et sursautant, elle redressa son regard vers la créature. Le monstre l’avait attrapé. - Like you got me out this ? souffla la créature. Les ongles de la créatures étaient longs et acérés, sa peau, brûlée ci et là, n’étaient que simplement rattachés à ses os désormais visibles. A la place de ses yeux, se trouvaient désormais deux orifices sombres et vides. – You sworn to protect me too, but look what you did to me. Sourire carnassier que peint la créature sur les membranes tombantes de son visage. A travers l’horreur de ses traits, Hylia la reconnu alors. Daella. [..] Sursaut, le myocarde se resserre. Elle se redresse dans son lit et plaque une main sur sa poitrine. Sa main gauche elle, vient sécher les larmes qui ruissèlent sur ses joues. Elle était encore et toujours hantée par ses démons. Elle inspire, puis s’approche de sa causeuse. D’un mouvement de la main, puisant dans son mana, elle vient allumer la bougie apposée sur cette dernière. Elle l’observe un moment, puis ferme les yeux. Adressant une prière à Drachna pour l’aider à traverser ses épreuves, et pour l’aider à tirer une leçon de ses chimères.


    Avançant dans les tombeaux, elle s’arrête devant celui de ses grands-parents. Elle se souvient s’être souvent rendu ici, lorsqu’elle était plus jeune. Les tombeaux l’avaient toujours terrifiés, lorsqu’elle avait encore ses parents. Lorsque ces derniers avaient été tués, et que leurs corps avaient été dérobés par la Divine pour être brûlée, Hylia avait ressentie une certaine proximité avec le tombeau familial. Elle avait souvent été prise à y vagabonder, s’adressant parfois sans raison, à ces ancêtres qu’elle n’avait jamais connu. La gamine, s’était finalement rendu compte avec le temps, qu’elle cherchait à avoir une proximité avec ses parents, aussi irréelle cette proximité puisse-t-elle être,  leur présence n’étant pas en ces lieux. C’était peut-être une résurgence de la Mortalisi qui sommeillait en elle, celle qu’elle n’avait jamais réussi à faire sortir, celle qu’elle n’avait jamais cherché à dompter. Quoiqu’il en soit, elle trouvait en ces lieux baigné d’une aura mystique, une certaine sérénité. Plénitude qui lui permettait de mettre dans l’ordre dans ses idées, qui lui permettait de se sentir, en paix. Elle reste là un instant, drapée dans une longue robe aux couleurs carmines et brodée de fils d’or. Si elle se trouvait aujourd’hui au Palais des Flammes, ce n’était pas pour se recueillir. Il s’agissait aujourd’hui, de retrouver ses cousins comme à chaque nouvelle lune, pour se retrouver en famille. Si elle avait toujours appréciée cette tradition, qu’ils s’étaient instaurés, elle rechignait aujourd’hui à rejoindre le dîner. Les tensions avec Nemesia, n’avaient fait que s’accroître, et elle nourrissait désormais à son égard une rancune plus grande encore, qu’elle savait qu’Aodhan Machiavelli, était encore en vie. Un énième secret que lui avait gardé, celle qu’elle considérait plus encore que sa propre vie. Hylia ne savait pas si elle arriverait à prétendre, si elle arriverait à faire bonne figure. Elle devait se consoler en pensant à la présence de Meriah, la terrible dragonne, et Caesar. Pour la première fois, elle espérait secrètement qu’il ramène Leonora, pour déverser toute la haine accumulée sur la future Reine. Un léger sourire se peint sur le visage de la princesse, à cette pensée. Elle tapote légèrement la pierre tombale de son grand-père puis quitte les souterrains.

 Ses pas l’amènent jusqu’à la grande salle. Deux domestiques lui ouvrent les portes en bois noir, et elle découvre alors la salle décorée pour l’occasion. Des rideaux bordeaux tombent devant les fenêtres, et la salle illuminée par un lustre et des bougies disséminées ci et là, donne un air à la fois chaleureux et mystique. La table, décorée avec des couleurs automnales et des fleurs de saison rajoute une touche moins austère. Hylia remarque aux assiettes posées sur la table que Leonora ne fera pas partie de leur rendez-vous, ce qui la fait pousser un léger soupir de déception. Elle aurait été parfaite comme amuse-bouche. Un domestique s’approche d’elle, et lui tend un verre de vin rouge.  Elle porte la coupe à ses lèvres, en boit une petite gorgée. Elle s’approche de sa place, et pose son regard une nouvelle fois sur la pièce. Le silence était bruyant, assourdissant. Elle ne s’était jamais autant sentie mal à l’aise chez elle, appréhendant la rencontre du quatuor. La quiétude ne tarda pas à être brisée, alors que des éclats de voix se firent entendre derrière la porte. Elle posa une main sur le haut de sa chaise, dressa son regard vers la porte qui s’ouvrit abruptement pour laisser entrer ses cousines, suivi de peu par Caesar. Les dragons étaient lâchés. « Que Cymera nous garde.» souffla t-elle avant d'avaler une plus grosse gorgée de sa coupe.