mille éclats ⭒ pâris

|	mille éclats ;

— L'effervescence règne dans les couloirs du domaine Donatelli. Les petites mains s'agitent afin de mener à bien les derniers préparatifs pour la mondanité à venir. Il ne reste que peu de temps avant l'arrivée des invités, quelques heures tout au plus, peut-être même un peu moins, et la salle n'est toujours pas prête. Les préparatifs ont pris du retard, la faute à quelques extras engagés pour la soirée qui ne savent vraisemblablement pas lire l'heure. Alors, les petites fourmis doivent redoubler d'efforts sous les hurlements de la gouvernante et du majordome chapeautant les nombreux domestiques présents sur les lieux. C'est ainsi qu'elle s'est faite réquisitionner Bambi, pour la deuxième fois en peu de jours. A croire qu'elle est aussi facilement prêtable qu'un habit. Quoique, on rechignerait certainement plus à céder un habit aussi luxueux que ceux portés par les Havilliards que Bambi.
Quelques jours plus tôt, la femme de Pâris est venue demander à Cressida si elle pouvait « emprunter » l'hybride. La dame de compagnie attitrée de la Havilliard était tombée subitement malade juste avant le départ pour Adenor et Cressida avait donc tout naturellement proposé à sa belle-soeur les services de Bambi pour la remplacer. Elle n'a pas hésité une seule seconde la dame Havilliard, n'ayant point le temps de chercher une autre personne compétente et de confiance. Après huit ans au service de Cressida, au moins pensait-elle que la domestique était capable de faire l'affaire pour quelques jours. Et bien évidemment, Bambi n'a pas eu son mot à dire. Cependant, la jeune femme fut rapidement partagée entre l’excitation d'aller dans une contrée qu'elle n'a jamais visitée, et s'offusquer de passer ainsi de main en main aussi facilement qu'une tasse de thé. Et ça a été là, la première fois où la domestique fut réquisitionnée. Elle pensait ainsi n'avoir à s'occuper que de Madame Havilliard et pouvoir profiter de sa soirée pour déambuler dans les rues une fois les mondanités commencées et la précieuse habillée, mais c'était sans compter sur le propriétaire du domaine Donatelli qui a demandé à réquisitionner la jeune femme comme serveuse lors de la soirée afin de pallier à quelques désistements de dernières minutes. Ce à quoi on avait une nouvelle fois répondu par l'affirmatif sans demander l'avis à la principale concernée.
« Ne part pas les mains vides ! Amène ces verres dans la salle de réception. » Interpelle la gouvernante en désignant les verres d'un signe de la tête à Bambi. L'hybride de la nuit ne sait plus où donner de la tête. Elle multiplie les allers-retours entre la chambre de Madame Havilliard pour l'aider à se préparer, tout en allant récupérer diverses choses sous la demande de sa maîtresse et en se faisant à chaque passage hors de la chambre, embarquer pour aider à la mise en place de la fête. A ce rythme, elle va finir sur les rotules avant l'heure.
Sans un mot, elle attrape d'une main le plateau sur lequel reposent six verres en cristal alors que de l'autre, elle maintient les quelques bouchées de nourriture qu'elle a récupéré pour la jeune Havilliard à sa demande. « Mais dépêche-toi bon sang ! On a encore besoin de toi ailleurs ! » la houspille l'infâme gouvernante. Et cette fois, la gamine ne peut s'empêcher de rouler des yeux alors qu'elle sent que son seuil de tolère commence à être atteint. Dire que la soirée n'a même pas commencé et que Bambi a déjà les nerfs à vif.
Alors, elle se mord violemment la langue, dans une manie qui ne la quitte jamais alors qu'elle se retient de déverser son venin sur la gouvernante. Et au pas de course, elle s'élance dans le dédale de couloirs. Il lui faut faire un premier arrêt dans la salle de réception afin de déposer les verres avant de rejoindre sa maîtresse. Pourtant, elle n'arrive pas à destination Bambi. Au détour d'un couloir, le nez penché vers le sol, elle percute violemment ce qui semble aussi solide qu'une armoire à glace. Elle rebondit la gamine, atterrissant les fesses au sol alors que ces plateaux de nourriture, pour madame Havilliard, et de verres, pour la réception s'envolent avant de venir se fracasser au sol. Voilà que le marbre est désormais parsemé d'éclats de cristal. « Non, non, non.... » Murmure t-elle pour elle-même en se frottant le front qui a reçu l'impact. « Je n'ai pas le temps pour ça. » Pense l'hybride sans même jeter un regard envers le fauteur de trouble. Car oui, elle en est certaine, cela n'est en rien sa faute si le choc a eu lieu, c'est la faute d'autrui.
La jeune femme se met sur les genoux pour tenter de ramasser aussi rapidement que possible les morceaux de verre afin de les rassembler sur un plateau. Il lui faut nettoyer vite, elle ne peut pas perdre autant de temps. « C'est si difficile que cela de regarder où vous mettez les pieds ?.... » Dit-elle sur le ton de l'énervement, pensant s'adresser à un domestique comme elle. Car pour quelle raison une personne importante serait déjà dans les couloirs et non à se préparer dans sa chambre ? « Regardez ce que vous avez fait ! Comment je vais fair.... » Le reste de la phrase meurt sur les lèvres de Bambi alors qu'elle a finalement dénié lever les yeux vers son interlocuteur. Pas lui. La réflexion fuse dans sa tête alors qu'elle reconnaît sans mal celui qu'elle évite depuis des années. Pourquoi faut-il que ça soit lui ?
La bouche de la gamine reste quelques instants entrouverte alors que son cerveau assimile la présence de Pâris, face à elle. « … Votre Altesse... » Parvient-elle à murmurer en inclinant la tête alors qu'elle récupère enfin ses facultés. Et merde. Ses joues se colorent de rouge écarlate alors qu'elle comprend dans quel pétrin elle vient encore de se fourrer. « … Veuillez m'excuser...je n'avais pas vu qu'il s'agissait de vous....» Elle bégaye et débite ses phrases à une vitesse hallucinante, oubliant même de respirer au passage. « …sinon croyez bien...que je n'aurais jamais eu de tels propos..... » Elle va finit par s'asphyxier. « …tout est de ma faute... » Elle n'en croit pas un mot mais se sent obligée de le dire après avoir accusé le prince de tous les maux. « …Je vais chercher de quoi nettoyer... » Finit-elle par dire en se relevant. N'importe quelle justification pour le fuir, tout est bon pour s'éloigner du chasseur d'hybrides.