falling flowers (eunbi)

lately, i've been thinking 
there could be another soundtrack to your life 
seems like you know the script  by heart

(➢)
ft. @eunbi ji
(crédits : vocivus)

C’est la toute première fois qu’il découvre ces lieux. Hyesu, la terre de sa famille et de ses ancêtres. Est-ce qu’il devrait sentir leur présence l’entourer ? Sentir leur bienveillance rassurante couvrir son cœur ? Face à cette ville il ne ressent pourtant rien de tout cela, mais simplement le même sentiment d’inconnu et de découverte qu’à chaque fois qu’il est arrivé quelque part qu’il ne connaissait pas. Il n’a jamais cherché à éviter cet endroit, le considérant comme un autre, simplement les choses ont fait que ce n’est qu’aujourd’hui qu’il se retrouve là. On l’a contacté pour qu’il expose éventuellement ses œuvres dans une galerie de la ville, il lui fallait dès lors venir voir l’endroit.
Sung ne rêve pas de devenir un grand artiste, d’exposer dans tout Ozira, ni même dans tout Adenor. Tout ce qu’il souhaite c’est de pouvoir continuer à découvrir où le mène son imagination et d’expérimenter de nouvelles choses. Comme pour le reste il préfère s’effacer et fait les choses dans son coin. Et même si aux yeux du monde, en tant qu’artiste il n’est plus Sung Soo-Hyun mais Junseo Kang, il a peur toujours que quelque chose échappe à son contrôle et que tout vole en éclat. Alors probablement qu’il dira simplement non, poliment, et retournera dans son atelier.
Mais en attendant il est là, dans cette ville qu’il devrait connaître et qui pourtant n’a laissé aucune trace dans son esprit.
Alors à ses côtés il y a Eunbi qui l’accompagne aujourd’hui pour lui montrer le chemin et lui faire découvrir sa ville.
— Merci d’avoir accepté d’être mon guide. Il sourit du bout des lèvres.
Eunbi a l’air aussi paisible et délicate qu’un lac endormi. Elle ne semble faite que de couleurs toutes douces. Est-ce qu’elles ont toujours été là, depuis le début ? Est-ce que comme dans le sien, on les a déposés sur son cœur ?
— C’est la première fois que je viens ici alors je suis complètement perdu.
Il aimerait poser au-dessus de ces décors les histoires que lui racontait autrefois Iseul, s’imaginer à ses côtés, près de leurs parents, au milieu de ces rues, entre résonner leurs voix, comme dans les souvenirs de cette vie arrachée, qui ne représentaient pourtant rien pour lui. Il n’y a dans sa mémoire plus aucune trace de cette époque qui fut pourtant la plus paisible, sûrement. Comme oubliée avant de s’enfuir, laissée au milieu des ruines. Il aimerait pouvoir dire si tout a changé, si les choses ne sont plus comme avant, ou si au contraire d’une manière troublante, les bâtiments et les rues ont retrouvé leurs places d’autrefois. Mais rien ne lui revient, il n’est qu’un touriste de plus parmi ceux qui viennent visiter l’endroit. Hyesu représente aussi ses terres, mais ces mots ne veulent rien dire s’il ne se souvient de rien, ils n’ont aucune valeur lorsqu’on a fui alors qu’on était trop jeune encore pour se rendre compte tout de suite que rien de tout cela n’était normal, lorsqu’on a grandi un peu partout, sans jamais revenir à la maison jusqu’à aujourd’hui. C’est pour cela que Hyesu, pas plus qu’ailleurs, n’est son chez lui.
Il ne sait pas si cette ville reconstruite est son chez elle. Tout lui semble lointain mais il sait que ce n’est pas le cas pour tout le monde, que d’autres gardent des souvenirs encore trop vifs. C'est pour ça aussi qu'il a juste dit à Iseul qu'il allait à Hyesu sans plus s'attarder, pour expliquer son absence mais sans vouloir réveiller la rancoeur et les regrets. Il a demandé à Eunbi s'il pouvait la retrouver parce qu’il sait qu’elle connaît tout un tas de choses qu’on ne lui a pas appris, qu’il n’a pas eu le temps de connaître ou qui comme le reste se sont envolés de son esprit qui a préféré tout effacer. Il peut apercevoir dans ses mouvements de danse tous les souvenirs de l’aube, des traditions et l’histoire d’un passé oublié, comme si tout cela lui était familier. Et bien que l’aube s’accroche à son âme et chacun de ses traits, cela ne représente rien pour lui, comme ce chez soi qui n’existe pas. Alors il lui a demandé plusieurs fois de lui raconter, de lui en apprendre plus, tout en découvrant en même temps, des petits bouts de son cœur à elle.

je fais le point de suture
je recolle des p'tits bouts de toi
des p'tits bouts qui trainent par ci par là

(➢)
ft. @sung soo-hyun
(crédits : météores)

Les oiseaux gazouillent. Eunbi se balance d'un pied à l'autre, elle fait passer le poids de son corps à gauche, puis à droite, et recommence. Exercice qu'elle fait lorsqu'elle attend. Elle le réalise instinctivement, un sorte de balancier qui la rassure et qui l'apaise sans qu'elle ne s'en rende compte. Eunbi lézarde doucement au soleil, laisse son visage blanchâtre se réchauffer après la nuit de travail. Les sensations sont douces, Hyesu est un endroit plus qu'agréable en cette saison. Elle est arrivée en avance et s'assoit là, près de l'endroit où il doit tamiser. Cette fois-ci elle n'a pas revêtu son habit traditionnel, elle préfère être à l'aise. Aujourd'hui elle n'est qu'une fae de l'aube, non plus une douce fleur de la maison des thés. Depuis qu'il lui a annoncé sa venue, elle l'attend impatiemment, les petites choses qui la font sortir de son quotidien morose sont plus que bienvenues. Et la venue de Sung en fait partie.

C'est presque avec fièvre qu'elle regarde les aiguilles de l'horloge au loin avancer vers l'heure du rendez-vous. Leur hâte semblent refléter directement la sienne. Lorsqu'il apparaît devant elle, Eunbi s’époussette rapidement et se grandit, le menton haut et les épaules basses. Réflexe qu'elle a gardé des leçons maternelles. Les Ji doivent savoir se comporter avec grâce et élégance, surtout si leur interlocuteur est un Soo-Hyun. Elle exécute une légère révérence lorsque Sung s'approche d'elle. La marque de respect est discrète, il n'est que Junseo pour le monde, mais Eunbi ne peut s'empêcher de l'exécuter.

Sung est grand et malgré son air doux, il y a quelque chose de noble dans son regard. Eunbi imagine sa défunte mère hocher la tête en le voyant se présenter. La fae n'arrive pas à savoir si elle le considérerait avec autant de révérence si elle ne connaissait pas son identité. Elle aime à croire que cela ne changerait pas. Sung la remercie avec douceur. — Tout le plaisir est pour moi ! Eunbi hoche la tête respectueusement, un sourire accroché aux lèvres. Il s'étend sur son visage presque accidentellement. Elle ne parvient pas à le contenir, il brille jusque dans ses yeux noisettes. Peu peuvent se vanter d'en avoir vu un aussi véritable mais Eunbi est ravie de l'offrir à Sung.

Elle éteint rapidement son sourire lorsque des silhouettes apparaissent au loin. Elle prend Sung par le bras et l'invite à marcher à ses côtés. Eunbi ne veut pas attirer l'attention sur un tamisage interdit. Elle préfère éviter un contrôle quelconque. — Hyesu n'est pas si grande, tu verras c'est assez facile. J'espère être la hauteur de la tâche. Eunbi se répand en excuse, comme d'habitude. Elle ne sait pas faire autrement. Elle s'efface, se diminue, s'excuse presque d'exister. La seule vanité qu'elle éprouve est celle de son art. Eunbi est fière lorsqu'elle est sur scène, elle existe dans ses mouvements, rayonne sur les rythmes. En dehors de ça, elle se sent petite et dépassée. Alors elle s'évapore. Mais le regard chaud de Sung l'empêche de s'estomper. Elle reprend contenance.

— Tu as faim ? Il y a un marchand de bouillon extraordinaire pas loin, on peut commencer par ça ? Elle lui prend la main, prend les devants et le guide pour qu'il lui emboite le pas plus rapidement. Eunbi sait que les langues se délient après un bon repas. Et elle désire qu'il expérience Hyesu dans sa totalité.

lately, i've been thinking 
there could be another soundtrack to your life 
seems like you know the script  by heart

(➢)
ft. @eunbi ji

Il remarque sa discrète révérence, qui ressemble presque à un réflexe, et n’a pas le temps de s’y opposer. Malgré la fierté qu’il porte envers ce nom qu’il aimerait pouvoir prononcer avec naturel plutôt qu’avec toute la prudence dont il doit l’entourer aujourd’hui, qu’il aimerait porter avec fierté, il n’a pas l’impression de témoigner de la grandeur des magisters. Il pouvait percevoir toute la droiture et la noblesse de sa tante, même dans les pires instants, elle qui restait digne, même lorsque tout s’écroulait autour d’eux. Malgré sa dureté et ses exigences élevées trop haut, jusqu’à parfois ne plus être supportées, il y avait une lueur qui toujours semblait l’entourer. Il est certain qu’elle est toujours présente, où qu’elle soit. C’est cette même lueur qu’il imaginait se refléter dans l’âme de chacun des membres de sa famille. Il pouvait en voir les nuances dans le cœur de ses cousins et cousines, dans celui de sa sœur.
Est-ce qu’il la possédait, lui aussi ? Mais il était persuadé que leur statut n’expliquait en rien cette lumière qui les entourait, et qu’ils la posséderaient, quel que soit leur destinée. C’est pour cela qu’elle avait continué de briller malgré la guerre, malgré la crasse qui recouvrait leur visage et la poussière des rues. Il espérait en tout cas être capable de rendre honneur à ce nom à présent dissimulé.
C’est peut-être la première fois qu’il est ramené au statut que possédait autrefois sa famille. Mais tout cela n’avait plus vraiment d’importance pour lui qui n’avait connu que la fuite et la vie d’errance. Il ne pouvait pas vraiment réaliser le poids et la responsabilité qui accompagnait son nom, et n’en avait de toute façon pas besoin. Parce que Sung Soo-Hyun n’a plus le droit d’exister aux yeux du monde. Alors Eunbi n’a pas besoin de montrer son respect à quelqu’un qui ne se reconnait pas dans ce statut d’ancien magister, qui n’est rien de plus qu’un apostat parmi d’autres ayant préféré la fuite, comme sa famille. Mais il suppose qu’elle continuera sûrement à le faire, même s’il lui dit que ce n’est pas nécessaire.
— Tout le plaisir est pour moi !
Alors Sung ne dit rien et répond à son sourire par le sien. Son sourire à elle prend toute la place et vient illuminer son visage, comme lorsque le soleil se lève et vient peindre le ciel de mille couleurs. Celui de Sung est plus léger, comme un nuage, parce que du ciel c’est tout ce dont il est capable de s’approcher. Loin de l’obscurité de la nuit mais loin du soleil aussi.
Elle lui attrape le bras alors que des silhouettes apparaissent un peu plus loin. Ce n’est que rarement qu’il utilise son tamisage, parce qu’il se montre toujours prudent, et parce qu’il n’a de toute façon plus vraiment de raison de s’éloigner régulièrement de Talevìr.
— Hyesu n'est pas si grande, tu verras c'est assez facile. J'espère être la hauteur de la tâche.
— Je n’en ai aucun doute. Je suis surtout désolé de prendre de ton temps. Je ne te dérange pas au moins ?
Sung n’aime pas demander des choses parce qu’il a toujours peur de s’imposer, de déranger. Il préfère toujours attendre ou se débrouiller tout seul, même s’il perd du temps, même s’il est obligé de changer de plans. Mais dans cette ville inconnue, qui aurait dû avoir une place spéciale dans son esprit, il avait peur de ne pas savoir quoi faire alors cette fois il avait préféré faire appel à Eunbi qui, il en était certain, saurait lui faire découvrir cette ville oubliée.
— Tu as faim ? Il y a un marchand de bouillon extraordinaire pas loin, on peut commencer par ça ?
Sa main attrape la sienne avant qu’il n’ait le temps de répondre. Mais il hoche la tête, lui emboitant le pas pour rester à côté d’elle.
— D’accord, je te suis.
Sung regarde autour de lui et se rend compte que les visages autour d’eux semblent toujours un peu plus nombreux à mesure qu’ils avancent. Il savait que beaucoup de touristes se rendaient ici, mais il n'avait pas imaginé qu’il en croiserait autant. Est-ce qu’autrefois aussi, des tas de gens se pressaient là ? Est-ce qu'on y trouvait la même agitation ?
— Est-ce qu’il y a toujours autant de monde ici ?

je fais le point de suture
je recolle des p'tits bouts de toi
des p'tits bouts qui trainent par ci par là

(➢)
ft. @sung soo-hyun
(crédits : météores)

Toujours accrochée au bras de Sung, elle l'emmène dans les rues d'Hyesu. Elle le guide parmi les gens, ils slaloment doucement entre les silhouettes qui ne ressemblent plus à des humains pour Eunbi. La fae a l'étrange capacité de se retirer du monde et de considérer son environnement comme une simple estampe brumeuse. Elle navigue par réflexe, sur un bateau a la coque percée. Mais Sung a les yeux et le coeur plus accrochés. Sung remarque les choses. Elle erre tandis qu'il sait où il va, même dans un endroit qui lui est totalement inconnu. Elle est la simple fleur de cerisier face au vent, tandis que Sung c'est la boussole.

Sung remarque que les gens sont plus nombreux, qu'ils sont plus pressés et lui en fait part. Eunbi acquiesce d'un petit signe de la tête. — Oui, mais tu verras c'est très... Elle baisse la voix et finit par murmurer presque imperceptiblement : — humain... Légère grimace qui passe comme une ombre sur son visage. Eunbi se reprend, ce n'est pas dans les rues de l'empire qu'elle peut s'exprimer comme elle le veut. Eunbi adore Hyesu, même si la ville grouille d'humains elle ne peut plus partir des vestiges de leur civilisation, elle en est incapable. Lorsqu'elle est revenue sur la terre de ses ancêtres, Eunbi a su qu'elle devait rester chérir les années de paix.

Eunbi la danseuse, Eunbi le reliquat, Eunbi la fossoyeuse. La Ji se fige dans un temps qu'elle n'a que peu connu pour célébrer leur culture. Même là, aujourd'hui, dans un présent certain où elle sert le bras d'un autre fae, elle ne peut s'empêcher de penser au passé. A leurs noms respectifs, au titre qu'il aurait eu. A la façon dont elle aurait du s'exprimer. Si tout avait été normal. — En tout cas, je suis contente que tu me sortes de mes habitudes. La Maison des Thés lui pèse, elle a du mal à y retourner, son coeur est trop affaibli. Déjà en mauvaise santé, les efforts d'Eunbi n'arrivent plus à éclipser sa tristesse, son masque de sourire en a pris un coup. Et tout le monde le remarque. Le beau masque est fissuré mais Eunbi ne veut pas encore se révéler au grand monde. — On parvient facilement à se perdre dans une routine. Eunbi aurait pu continuer à danser jusqu'à en mourir. L'art pour l'art. La mort sur scène. Il y a quelques années, elle en aurait presque eu envie. Mais maintenant que cela est possible, Eunbi ne veut plus. Elle voudrait lâcher l'habit traditionnel et le masque lourd qu'elle porte depuis des années. Ne plus devoir sourire et s'enfuir, loin. Mais Eunbi chasse ses idées effrayantes d'un coup de tête, aujourd'hui, ce qui importe c'est Sung et leur bouillon à partager.

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