Dans le silence du rituel, les murmures imaginaires faisaient vibrer l'air. Oreilles aux aguets, âme qui s'ébranlait dans une folie devenue ancienne, Edan'ea se persuadait, une fois encore, d'entendre la Déesse Noire.
Les doigts fins glissaient sur les reliures aussi dorées que ses iris bicentenaires. Et le tarot se tirait avec lenteur, dans une procédure rôdée et savourée.

L'Impératrice.
Figure qui lui arrachait un semblant de sourire alors que ses pensées s'orientaient vers la visite qu'elle avait déjà prévue.
Drachna savait tout. C'était un fait.

Prière faite à la Déesse Lunaire, les mots coulaient d'entre ses lèvres avec une ferveur acquise depuis sa disparition, à Lui. Dans les murmures, Edan'ea trouvait un réconfort temporaire que nul autre ne pouvait lui apporter.
Son éclat noir, à elle. Il était unique.

Cartes rassemblées avec minutie, la Fae les glissait dans leur écrin de velours noir avant de les ranger dans une boite sans âge que nul autre qu'elle pouvait ouvrir. Mystère soigneusement entretenu et conservé, elle se détournait avec cette humeur légère que lui apportait sa connexion privilégiée à sa Déesse.

Le temps était finalement aux retrouvailles.
Mais pour Elle, elle comptait s'apprêter. Parce qu'un tyran ne se croisait jamais dans un apparat simpliste. Parce que c'était leur petit jeu, à elles.
Robe de satin d'un rouge sanguin qui dévoilait à demi ses jambes interminables, la Veuve exposait sans vergogne cette jeunesse conservée pour les uns, entamée pour les autres.
C'était son petit plaisir, une de ses fiertés.

Quittant la demeure familiale, elle tamisait jusqu'aux portes du palais des sables où s’arrêtait son regard. Souvenir d'un temps trépassé, Felicia n'était que le produit d'une conquête qui rendait Edan'ea amère. Pour autant, elle avait appris à l'apprécier, pour les reliquats automnaux qui coulaient dans ses veines, pour leurs ambitions conjointes.

L'une se retrouvait dans l'autre, et malgré la jeunesse, l'expérience était reconnue. La cruauté aussi.
Mais dans ce monde, il fallait l'être, parce qu'une femme ne pouvait marcher la tête haute, si elle ne faisait pas preuve d'une détermination sans faille.

Pas claquant dans les couloirs du palais, la O'Mordha laissait la force de l'habitude animer sa démarche. Elle savait où aller. Elle savait qui trouver.
Quelques domestiques étaient croisés sans qu'un mot ne leur soit adressé. Main glissant brièvement dans la chevelure brune, elle s'arrêtait finalement devant le repère de sa Gorgone préférée.

Entrée faite en toute simplicité, les pas la menaient jusqu'au bureau de son amie qu'elle observait longuement.

« Felicia. » Qu'elle la saluait dans un préambule simple mais efficace. « Tu n'imagines pas comme le voyage a été long et fastidieux. » Douce ironie pour titiller la jalousie de l'Hybride, c'était un petit plaisir qu'elles se partageait alors que les pas la menaient vers la Divine Noire.
L'espoir d'une bonne nouvelle soutirait un brin de sourire à l'Automnale qui s'aventurait sur le côté de Felicia pour venir replacer une de ses mèches de cheveux.

« Attend au moins que nous ayons trinquées avant de me parler de tuer Donan. » La légèreté dans la cruauté, ça glissait avec une aisance déconcertante dans ses mots alors que la main quittait la chevelure d'ébène de son interlocutrice. « Et puis, je préférerais me débarrasser en priorité de Cináed. Il a la peau dure mais ça doit être faisable. »

Troquer un enfant contre un autre, dans un marchandage immonde. C'était une habitude cruelle qu'Edan'ea avait acquise avec le temps.
Une habitude qui n'avait fait que s'amplifier au contact de Felicia. Peut-être parce qu'entre elles, certains filtres n'avaient pas lieu d'être.

« T-t-t-t. Donan est très bien dans la Légion Dorée, il sert mes intérêts, qui servent les tiens. Crois-moi, il est plus utile là-bas qu'en chair à canon dans ta Milice. »

Et ça continuait, comme si cette conversation était ordinaire. Presque trop normale.
Peut-être que pour elles, c'était le cas, finalement.

« Ton Perseus, je pourrais m'entrainer dessus. Après tout, tu sais comme un accident est si vite arrivé.. » Petite invitation de meurtre entre amies, sous couvert d’une humeur légère, d'un sourire partagé. « Pour toi, je ferais bien ça, Morticia. Si ça reste notre petit secret. » Qu'elle lui soufflait sur le ton de la confidence avant de finalement se laisser aller à un rire bref.

Les talons se tournaient alors qu'elle attrapait - au passage -, une coupe rouge afin d'en humer le parfum tranquillement. L'amusement s'effritait au profit d'une mine plus calme, lissée d'expression singulière.

« Blague à part, nous n'avons qu'à regrouper nos indésirables lors d'un bal écarlate improvisé afin de voir qui en ressort vainqueur. » Là, le sourire était rouge. Meurtrier.
Passé l'humour, elle était capable de cette atrocité. Et plus encore d'en apprécier la tournure.
Ils lui manqueraient, oui, c'est certain.. Mais peut-être pas assez pour la faire renoncer à sa quête du trépas infantile.

« Drachna appréciera. » Qu'elle achevait en levant sa coupe, comme pour trinquer sur cette belle pensée.
Et puis, elle buvait.

@Felicia Blackwood & @Edan'ea O'Mordha

L'avantage d'une nature contre celle d'un héritage, à elles deux, elles représentaient chaque face d'une pièce, se complétant à merveille. Edan'ea le savait, entre leurs mains, le monde ne pouvait leur résister. Leurs ambitions se complétaient avec une facilité déconcertante, faisant de cet univers fragmenté un projet unifié.
L'Ad Astra n'avait pas eu les faveurs premières de la Fae, mais pour autant, elle se savait, à présent, particulièrement attachée à cette cause. Parce qu'avant de trouver le chemin d'une faction, elle avait trouvé celui de la foi. Hélionisme dévoyé, et corrompu par le cœur brisé d'une sœur abandonnée, Hélion n'avait été d'aucun réconfort, là où Drachna était apparu comme une évidence.

Une évidence.. Finalement, tout n'était qu'une question de signes pour l'Automnale. Et Félicia appartenait à ces signes, à ces évidences de vie. Son amitié prenait un sens singulier dans l'esprit de l'O'Mordha qui lui accordait une place majeure dans ses affectes tordus.
La jalousie n'était rien d'autre qu'un petit plaisir coupable. Un petit plaisir qu'elles se partageaient avec l'acidité de leurs rancœurs et regrets partagés. Pour autant, ces petits pics n'entachaient en rien la relation qui avait appris à se sublimer avec les années.

Dans la dominance depuis toujours, l'une comme l'autre gardait le cap face à leur relation, comme elles savaient si bien le faire dans tous les aspects de leurs existences respectives.

Un sourire de malice se dessinait sur les traits d'Edan'ea devant ce refrain connu et reconnu de sa longévité prisée. « Pourquoi se presser ? J'ai encore de longues décennies devant moi.. A moins d'un poignard en lyrium dans le dos ou d'un poison dans mon verre. »

Une mort pleine de sournoiserie. C'était surement ce qui allait le mieux à l'Automnale, parce qu'autrement, elle le savait. Elle le savait, derrière ses allures de reine, elle inspirait l'horreur et la peur. Et cela la faisait jubiler.

Les iris filées d'or jaugeaient un long moment la Divine Noire alors que la coupe de rouge s'arrêtait à l'orée de ses lèvres. Un moment de flottement s'en suivait alors qu'elle finissait par boire une gorgée pour mieux reprendre tranquillement. « Ma Douce, la mort ne rôde pas encore autour de toi. Tu ne devrais pas être si défaitiste. » Elle faisait quelques pas pour finalement s'installer dans un des fauteuils tranquillement afin de croiser les jambes en toute sérénité. « D'autant plus que la mort n'est pas une fin en soit, elle peut-être si sublime. »

Esprit morbide qui apprenait à se satisfaire depuis toujours de ce que d'autres rejetaient, Edan'ea avait laissé le temps et les épreuves noircir sa psyché. Dorénavant, sur le tombeau de celle qu’elle fut jadis, il ne restait plus que les cendres de sa bonté et les reliquats de sa raison.

« Malgré sa naissance qui me révulse, Donan est très certainement le plus fidèle de mes enfants. » Lui, elle le plaçait sur un piédestal, là où elle trainait dans la boue ses jumeaux. Pourtant, ceux-là, elle les avait aimé.. Plus que tout. Ils avaient été ses merveilles, pendant un temps.
Juste assez pour que l'amour ne se transforme en haine lorsque son esprit s'était perdu, face à la perte d'Aed'han.
L'attention voguant un moment, elle la raccrochait finalement à Félicia. « Et oui, c'est un homme. On n'y peut rien. Tout le monde n'est pas aussi parfait que tes jumelles. »

Cette malédiction suivait la O'Mordha. Elle ne pouvait se défaire d'une affection quelconque pour des jumeaux, tout comme elle avait pu être fière, jadis, de sa propre jumélité, ou de celle de ses enfants.

Allant et venant au gré de ses souvenirs, la pensée de l'Automnale se faisait mélancolique pendant un temps jusqu'à entendre la critique positive de son amie. Attention revenant à elle, elle la regardait évoluer avec un léger sourire. « Où tu veux et quand tu veux. Je lui créerais une nouvelle balafre dont il gardera un charmant souvenir. »
L'idée la ravissait déjà. Pour autant, cela la ramenait à une autre problématique. « Ce feu qui m'anime, je vais devoir le canaliser finalement. Car quitte à immoler quelqu'un, je tiens à ce que ce soit volontaire. » Qu'elle soufflait, pensive, en sirotant son vin, dans la plus grande des sérénités.

Monstre qui ne se dissimulait pas à la lumière de la Divine Noire, Edan'ea appréciait la capacité de cette dernière à donner corps à ses idées. « L'automne est toujours parfait. » La coupe à moitié consommée était déposée sur le côté tandis que les doigts flirtaient avec son rebord. « Tes indésirables.. Tu as peut-être quelques cas problématiques à dresser ? Ce serait un ajout distrayant. »

Et cette idée ne faisait qu'alimenter les certitudes de la Haute-Céleste quant au plaisir qu'en retirerait Drachna. Elle en était persuadée.. Leur petite fête improvisée leur apporterait les faveurs de leur déesse.

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Le temps s'écoulait et s'écourtait en fonction des natures, Edan'ea en avait conscience. Après tout, elle en avait vu, des hybrides mourir, des humains dépérir dans les cendres d'un monde qui s'étiolait. Et c'était la Mort, elle-même, qui lui avait appris à ne plus s'attacher, à ne plus créer de lien. Pour autant, l'Automnale avait fait la sourde oreille en croisant pour la première fois la jeune Blackwood. Le temps l'avait rattrapé, là où il avait retenu la Fae. Le miroir des âges s'étaient inversés au fil du temps, et au détriment d'un acharnement qu'Eda reconnaissait à son amie.

Parfois, elle y songeait, à l'expectative de voir l'Hybride dépérir et perdre son essence de vie. Et une part d’elle savait qu'elle en souffrirait. Mais cette révélation appartenait au silence et à la constance des Dames qui ne s'épanchaient pas.

Face aux mots de la Divine Noire, Edan'ea redressait son regard filé d'or sur elle et l'observait longuement tandis qu'un sourire rouge venait ourler ses lèvres. Allure de grâce qui s'entachait d'une aura horrifique, la teinte sinistre du drapé qui entourait la Fae s'échappait dans un naturel qu'elle ne refreinait pas.

Felicia la connaissait.
Elle connaissait le potentiel dégénéré de son amie.
Elles ne s'étaient rien caché, au fil des années.

« Mes veines sont faites de poison. Je ne le crains pas. » Qu'elle soufflait du bout des lèvres pour illustrer son propos.

Une entaille, un baiser empoisonné, c'était son art, à elle.
Et elle l'aimait, plus que tout. Pour la délicatesse de la chose, pour la beauté du geste.

Pour autant, tout cela ne sonnait ni comme un avertissement, ni comme une menace. Tout juste comme une réalité teintée d’un amusement sordide.

Alors même que la mort revenait au-devant de la scène de leur conversation, l'Automnale se faisait pensive. Coude posé contre l'appui de son fauteuil, elle accueillait son menton tranquillement en regardant longuement son interlocutrice. Un bref éclat de rire venait contraster avec la fureur contenue de la Divine Noire.
Elle était plus que d'accord avec sa vision du monde, avec cette suprématie qu'elle souhaitait dévoyer pour l'orienter à leur avantage. Depuis longtemps, les idées s'étaient partagées puis acceptées.

« Mais les femmes Blackwood ont plus de résilience que cela. N'est-ce pas ? » Qu'elle lui lançait, sur un ton sensiblement défiant, pour piquer la fierté de Félicia. Parce que cette fierté, elle l'aimait. « Morticia.. Voyons, c'est une culture purement humaine, de vouloir mettre l'homme au centre de tout. Cette vision nombriliste et phallique ne pourra durer. Ils tomberont, d'une manière ou d'une autre, ces petits soldats de plomb, et nous les feront fondre pour notre bon plaisir. »

L'image des corps en pleine agonie dans un bucher des accusés s'imposait à l'esprit de l'Automnale qui laissait son regard se perdre un instant dans un contentement bref mais intense. Pour autant, la mort la rappelait à elle, par les mots de son Amie qu'elle avisait d'une œillade rapide.

« Tu parles comme une meurtrière.. » Remontrance de façade qui s'accompagnait d'une moue prude. Ce masque-là, elle le donnait au monde, en tant que Haute-Céleste, mais en cet instant, elle l'instrumentalisait pour leur bon plaisir. C'était l'esquisse d'un divertissement qui s'étiolait bien rapidement. « .. Mais j'adore ça. » Qu'elle lui soufflait sur le ton d'une provocation volcanique avant de revenir prendre sa coupe et de la porter à ses lèvres.

« Je ne compte pas mourir d'aussitôt. Et s'il le faut vraiment, j'emporterais dans ma tombe le responsable. » C'était au plus malin, ou au plus cruel, que revenait le droit d'exécuter l'Automnale. Elle le savait. Pour autant, elle comptait se battre jusqu'à son dernier souffle. Consécutivement, concernant son Amie, elle reprenait, sur un ton plein de promesses. « Je te donnerais ton dernier baiser, s'il le faut. Lorsque ton moment viendra. Ce sera bien plus poétique que de te laisser mourir seule. Je m'y refuse. » Marque d'une affection noire qui se révélait entre elles, Félicia et Edan'ea étaient liées par ce quelque chose qu'elles ne s'expliquaient pas, mais qui se sublimait à chaque rencontre.

Alors même que le sujet de son fils.. Non, de leurs fils revenaient sur le devant de la scène, Edan'ea se faisait pensive. Pensive et silencieuse alors que son verre se terminait lentement devant la réflexion de la Blackwood.
La coupe vide se reposait lentement alors qu'elle retenait un soupir.

« Mes enfants ne me domineront jamais, quel qu’ils soient. Ils sont la progéniture que j'ai bien voulu laisser perdurer, ils seront mon héritage et porteront mon nom au-delà de ma simple existence. Homme ou femme, cela importe peu, c'est leur éducation, leurs principes qui comptent. S'ils portent mes ambitions et ma voix alors, je suis apte à légitimer leur existence en tant qu’O’Mordha, autrement.. Ils le savent, la mort n'est pas une fin en soi. »

L'intérêt d'un nom, d'un rang, d'un sang, c'était une histoire de culture, d'un temps qui s'oubliait à l'image des âges défilant. Pour autant, tout était encore là, intact sous la couche de modernité affichée.

Mysrathan, Eda le regrettait bien souvent. Pour autant, elle avait fait le nécessaire pour lui survivre.. Et ce, même si l'essentiel lui avait été enlevé, arraché avec rage.
Le souvenir de cette perte lui revenait d'ailleurs alors que Felicia encourageait ce feu intérieur à s'exprimer. Songe qui se perdait dans une mélancolie passagère, le regard tissé d'or de la Fae se perdait encore une fois, sur un flou lointain alors qu'elle songeait à Aed'han ; Surement le seul qu'elle avait aimé plus que sa vie.

« Cette puissance, c'était celle d'Aed'han. L'exprimer serait comme la lui arracher et l'effacer de mon tableau. » Un temps de silence s'en suivait, alors que l'unique larme d'un chagrin incommensurable roulait sur sa joue tandis qu'elle reprenait l'instant suivant. « Il était une part de moi, Morticia. Ça ne s'explique pas. On se complétait, lui et moi. »

Ils se complétaient ; Et sans lui, elle avait cette sensation de vide incessante. Un vide qui s'était vu pollué par la folie. Un mal avait ainsi remplacé un autre mal et cela, elle en avait pleinement conscience.
Pire encore, elle l'acceptait.

Ailleurs, encore un instant, son visage signait à la négative alors qu'elle reportait un regard déjà départi d'une pointe d'humanité sur la Divine Noire.  « Il faudrait que nous allions y faire un tour, à l'occasion. J'adore lorsque les cris de protestation se changent en cris d'agonie. » Le cœur lourd se comblait déjà dans l'horreur, et elle se focalisait sur ce divertissement qui s'organisait.

L'Empereur. Ah. L'époux de cette chère Medea. Il y avait fort à parier que cette dernière partageait l'ambition de sa sœur, mais pour autant, elles s'opposaient avec tant de férocité. C'était paradoxal.

Pensive, Edan'ea se perdait finalement dans sa propre rage, comme pour balayer cette peine dévoilée précédemment. Et instinctivement, elle trouvait les noms qui lui faisaient mal à en crever.

« Siân et Cinead. Je veux qu'ils crèvent, ils n'ont pas le droit d'exister, de profiter l'un de l'autre.. De s'en énorgueillir alors que je suis privée de mon propre frère. Leur vue m'insupporte. Et pourtant, ils semblent bénéficier d'une bonne étoile qui ne leur revient pas de droit. C'est injuste. »
Et cette injustice, elle le vivait mal. Terriblement mal.
La colère détournée par Felicia trouvait sa cible, c'était évident.

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Les hommes de Cendres rencontrant le feu d'une vindicte qui leur serait inattendue ; L'idée semblait tout à la fois délirante et plaisante au regard de l'Automnale qui s'imaginait déjà exercer ses talents inachevés sur les quelques corps qu'elle aurait plaisir à plonger préalablement dans l'effroi. Images défilant dans l'esprit structuré de la Fae, elle se délectait du noir de ses songes passagers. Elle le savait, Félicia partageait son optique.

« Si tu pouvais voir ce que j'imagine pour eux. » Qu'elle soufflait alors, dans l'allonge de sa pensée. Avec elle, Edan’ea pouvait et voulait partager ses horreurs personnelles. Parce que la Blackwood était la seule capable de les comprendre et de les accepter.
Dans le regard des autres, la Fae le savait, il y avait toujours ce jugement. Un peu affable, immanquablement hypocrite. Parce qu'eux, ils ne se permettraient jamais d'agir comme elle pouvait s'imaginer agir. Ses songes passaient alors souvent pour souillés, alors qu'ils n'étaient que le reflet d'une nature qu'elle avait épousé depuis longtemps.

L'Automne n'appartenait pas à la vie.
La mort était un chemin qu'elle arpentait avec plaisir, sous le craquement d'une nature déliée, qui perdait de sa vivacité au gré de son épanouissement personnel.

Et puis la mort semblait être un thème récurrent. Dans ses conversations, dans leurs échanges avec la Divine Noire.
Il y avait un parfum d'obsession derrière leurs paroles légères. Pour l'une animée par la peur du dernier jour ; Pour l'autre par la curiosité morbide qui était sienne.
Derrière ses allures de Haute-Céleste ployant devant le dieu solaire, pour mieux prôner un équilibre et une équité feinte ; Il y avait cette ombre dans la vie d’Edan’ea, ce besoin dévorant de disséquer les derniers instants pour mieux entrapercevoir l'après.
C'était sordide. Mais d'une infini satisfaction.

La proposition de la Chancelière résonna à l'oreille de la Fae qui remonta son regard filé d'or sur le sien. Attention captée et recherche du sérieux dans les prunelles de son vis-à-vis, elle aurait pu lui rire au nez, chasser l'idée d'un geste de la main comme le réclamait le bon sens et toute la raison de ce monde. Mais sur l'instant, la O'Mordha restait silencieuse.

Imaginer ses derniers instants, à elle, elle l'avait déjà fait. Plus de fois que nécessaire, lorsque le vide s'était invité par l'absence de son jumeau. Alors, Eda avait la certitude acquise que ses derniers instants seraient froids et solitaires, malgré son acharnement à consumer la vie comme elle pouvait le faire, à chaque instant.

« C'est un acte de foi que tu me demandes là. Un peu fou et terriblement extrême, non ? » Les mots sonnaient comme raisonnables. Parce qu'elle savait l'être, devant tous les autres.
Félicia le savait, son amie maitrisait les règles de la mascarade comme personne. Pour autant, lorsqu'elles étaient ensemble, les masques se fêlaient et révélaient la vérité.

Ainsi, le sourire s'esquissait à la commissure des lèvres de la Haute-Céleste qui rajustait ses paroles, avec audace.

« Assure-toi de vivre encore pendant quelques décennies, je ne souhaite pas m'éteindre aussitôt. » Dans un demi-mot partagé, Edan'ea laissait l'idée délirante de l'une, prendre place dans la vie de l'autre. « Quoiqu'il en soit, ce sera une belle mort, j'en suis certaine. »

La conclusion était là, et leur devenir final était acté sur une proposition qui leur ressemblait.

Edan'ea le savait, dans sa cruelle lucidité, ses enfants ne pourraient que se satisfaire de ce choix avisé. Car, à l'image de sa propre mère, la O'Mordha avait fait naitre le ressentiment chez ses rejetons. Un ressentiment qui s'alliait à un peu de peur et potentiellement à quelques traces d'amour.
Par moment, elle n'en était pas certaine. Par moment, elle oubliait l'essentiel. Alors, elle doutait qu’il puisse rester de l’amour entre son sang et elle. Elle doutait.
Mais finalement, ce dont elle était certaine, c'était qu'ils seraient ravis de la voir passer de vie à trépas.

Plongée dans ses réflexions, l'Automnale laissa son regard vagabonder un moment avant de se figer sur le vide à la nouvelle idée de son Amie.

Morticia.. Ô Morticia.
Un rire léger passait les lèvres d'Edan'ea qui avait du mal à saisir cette idée folle.
Devenir son Carranam ? Qui voudrait partager son esprit ? Ses pensées ? Son tourbillon brulant soigneusement muselé ? Il n'y avait surement que la Divine Noire pour se proposer avec autant de panache.

Pour autant, sa nature bâtarde gâchait tout selon l'O'Mordha.
Et ça, elles n'y pouvaient rien.
Ni l'une, ni l'autre.

« Tu aurais pu, mais tu es une hybride. Le sang qui coule dans tes veines n'est certainement pas assez puissant pour supporter la magie qui coule dans le mien. Qui sait ce qui pourrait t'arriver ? » Les évidences raisonnaient, dans l'écho d'une réalité à laquelle elles ne pouvaient échapper.

Jambes se décroisant dans le froissement d'un satin rouge, la Fae se relevait pour faire face à son Amie et l'observer longuement. Son regard mordoré sondait le sien tandis qu'un léger sourire flottait sur ses lèvres rougit.

« Ma douce, si tu avais été une fae, j’aurais accepté que tu sois mon Carranam. Parce que tu es bien la seule qui puisse me comprendre. »
Toutes les folies, Edan'ea les aurait acceptés en compagnie de Félicia.
Mais pour autant, elle avait conscience que la nature, elle-même, avait ses limites imposées.

« ..Et si tu avais été un homme, tu aurais été parfaite. En tout point. » Qu'elle ajoutait avec un rire, teinté d'un amusement alors qu'elle se détournait pour faire quelques pas et saisir son verre.

A l'amusement éphémère succédait finalement la pointe de colère et de ressentiment qu'elle ne pouvait ressentir que pour ses jumeaux.
Rancœur qui se consumait d'elle-même depuis une éternité, le verre resservit était pris et porté à ses lèvres afin d'en boire une gorgée. Revenant s'installer dans le confort du fauteuil avec tranquilité, elle remontait son regard vers son acolyte à l'annonce de sa promesse.

« Tu as toujours les mots qui réconfortent. » Qu'elle lui répondait, l'humeur aux prises entre deux feux.
La pause était prise alors qu'elle savourait la liqueur servie et finalement, Edan'ea en revenait à Félicia. « Et si tu me montrais ces cachots, histoire de nous changer les idées ? »
Drôle de manière de se changer les idées, n'est-ce pas ?

@Felicia Blackwood & @Edan'ea O'Mordha

Un acte de foi pour une dame de foi. C'était surement ça, finalement. La demande de la Divine Noire sonnait comme un ultime acte de foi auquel l'Automnale répondait sans prendre le moindre détour. Sa vie, elle avait été longue, trop longue, depuis qu'on l'avait amputé d'une partie d'elle. A présent, elle avait cette fascination noire pour le trépas, elle tuait pour ne pas être tuée.

La provocation verbale de son amie provoqua une œillade noire chez la Fae. Elle la jaugeait longuement, elle lui offrait un silence bien assez éloquent ; Parce que finalement, la Chancelière le savait.. La O'Mordha n'avait peur de rien, de rien ni de personne. Pas même d'elle-même. Et surement aurait-elle dû.

Lorsque finalement la satisfaction revenait en maitre de discrétion sur les traits de Morticia, l'Automnale esquissait un brin de sourire à la commissure de ses lèvres. Un brin de sourire qui se teintait d'un amusement circonstanciel, amoindrit par sa susceptibilité à fleur de peau.
Son tempérament, avec la Chancelière, elle ne le cachait pas. Elle laissait le meilleur comme le pire s'exprimer, dans un naturel trop souvent brimé.

« Tu choisis parfois mal tes mots, Ma Douce. Jamais je ne m'effraie, ni ne me ramollie. Au contraire, la fermeté est un domaine qui me sied à merveille. » Qu'elle mimait en croisant les jambes d'un mouvement gracieux, volontairement provocateur.
Sur elle, le temps n'avait pas le même effet, c'était une évidence. Une réalité.
Et elle se transposait à la psyché de la Fae, c'était une évidence.

La proposition folle prenait finalement place alors que les mots étaient lancés, sans l'insouciance qui aurait dû leur incomber.
Carranam. C'était une douce folie que de vouloir être celui de l'Automnale. Parce qu'elle s'était toujours refusée à se lier à quiconque, comme pour préserver le jardin de ses pensées, comme pour préserver les autres du déluge de ses contraires.

Pour autant, à Felicia, elle lui aurait accordé ce privilège.
Si seulement la nature ne s'était pas imposée en maitresse désobligeante, estampillant la proposition de la Blackwood d'un refus catégorique. Edan'ea le savait ; Se lier à un hybride était impossible, parce qu'il était question de magie mais aussi de force. Ce qu'elle savait également, c'était que son refus ne pouvait que brusquer la Divine Noire qui aimait obtenir tout ce qu'elle pouvait convoiter.

Sa réaction ne trompa pas, puisque l'acidité de ses mots parvenaient finalement à la Fae qui se relevait tranquillement. Sa langue claquait contre son palais en guise de protestation outragée alors que le regard mordoré se plongeait dans l'ébène des prunelles Blackwood.

« Une réalité n'est pas une étiquette. C'est une réalité. Tu peux te vexer Morticia, mais l'évidence est là : ton sang est dilué. Et si a des instants, cela fait ta force, a d'autre, cela sera toujours ta faiblesse. » Voix de la sagesse qui se faisait entendre sans l'ombre d'une provocation, elle s'avançait finalement vers son amie pour l'observer longuement. « Quant à ton genre, j'aurai juré que tu étais capable de comprendre l'allusion. Les désirs, eux aussi, ne souffrent d'aucune étiquette. »

Et ainsi, elle se détournait avec un brin de sourire cryptique qui s'expliquait dans des mots qui venaient à retardement. « Bien que je sois en mesure de reconnaitre que tes atouts ne laissent indifférents aucuns désirs. »
L'amusement revenait alors au-devant de la scène, dans cette œillade mordorée qui se partageait tandis que l'une comme l'autre prenait la sortie de l'antre de Félicia.

Les pas s'enchainaient tranquillement et Edan'ea vaquait à découvert, dans sa robe de satin rouge, dans un parfait contraste de l'allure de la Chancelière. Elle était venue avec légèreté parce qu'elle comptait repartir de la même manière. Ici, elle était en terre connue et amicale.

Arrivées près des gardes, Edan'ea leur adressait un regard long. A leur salutation, elle ne leur répondait qu'un mouvement de menton poli afin de mieux poursuivre son avancée et .. De s'arrêter net en voyant le jeune garde se ramasser et perdre le contrôle de sa mobilité.
Râtelier de fortune bousculé sous la maladresse, il tombait sur les deux femmes qui se retrouvaient à devoir esquiver la ferraille d'armes élimées.
Edan'ea poussait, dans un réflexe aiguisé, la Divine Noire en arrière pour lui faire éviter le fracas et la blessure. Seulement, en retour, une lame venait déchirer d’une entaille, la chair du genou au mollet de la Fae qui s'échauffait immédiatement de contrariété.

Magie consommée par son voyage, il n'y avait guère plus d'effet, pourtant, les traits durcit trahissait une colère naissante alors que le sang coulait le long de sa jambe.
Sans même le voir, elle le savait.
Elle le sentait.
La douleur était là.

« Espèce d'incapable. » Qu'elle tonnait, dans une fureur naissante en attrapant l'arme responsable de son mal. Un mouvement du poignet bref débarrassait le fil aiguisé des traces de sang qui éclaboussait désormais le sol.
Agilité conservée qui l'amenait à pointer la lame vers le garde dans la confusion ; Edan'ea n'avait qu'une envie, faire tomber sa tête.

@Felicia Blackwood & @Edan'ea O'Mordha