— die by the blade —
⊹ ⊹ ⊹Carcasse échouée au vide tonitruant contre ses tympans ; les sens distillés en des rivières vermeil grondant sur ses tempes. Le pouls, furieux survivant de jours – semaines envolées et vouées au néant. La chasse à l'aveugle, prédateur d'une revanche qui perdait sens à chaque aube qui esquissait ses premières couleurs. Les derniers murmures de la nuit étaient refuge bienvenu, l'inconscience des paupières fermées et des esprits égarés. Quelque-part,
Elhara, happée par l'évasion des rêves illusoires ; quelques heures de liberté, à s'arracher au
gravitas suffoquant de l'Ozira cruelle. L'étreinte bienvenue aux suppliciés – le pansement à la peine qu'il n'méritait même plus, à force de tant d'erreurs. Des faux pas estafilade à l'ego, répétitions à l'infini de scènes qui n's'étaient jamais faites ;
ce qui aurait dû être fait, ce à quoi il avait désespérément échoué. Cérémoniel d'la culpabilité, fidèle compagne en spectre enserré sur les épaules : le fardeau qui faisait ployer l'échine et forçait le silence. Miraz, fervent défenseur de c'qui n'était pas dit – méandres d'ses propres pensées, les à-pics des douleurs plus profondes que les chairs, plus mordantes que les lames ennemies.
Rien, en fin d'compte, bourreau plus impitoyable que l'adversaire. La solitude léchait les murs, maîtresse d'toute une vie qui avait imbibé l'air ; seul réconfort au soldat égaré. Au moins, y'avait personne pour juger, personne pour l'faire chier. Ni les prunelles trop familières de l'épouse, chargées de reproches jamais formulés et de fantômes oppressants. Ni celles du frère qui avait tant essayé – Arnor, l'énième sacrifié à l'autel d'son existence à lui. Lippes sèches, gorge brûlante, la muette agonie de la carne se noya sous la longue gorgée d'alcool âpre qu'il avala, secours vénéneux de la bouteille héritée de son propre aîné. Le nectar si soigneusement conservé
pour les grandes occasions, comme il avait eu l'habitude de l'dire. Sous le jugement clair de rayons de lune filtrant à travers les vitres, il n'y avait que ses fautes qui subsistaient. La célébration du naufrage : disparition annoncée du nom Ravenal, acmé des leurs – ne restaient que poussières, l'oxygène irrespirable qu'un étau leur enlevait des poumons. Miraz, héritier branlant d'un héritage branlant.
Et des relents de honte en vagues nauséeuses, la bile bordant les labres ; seule réponse à tout ça, l'acide dévastateur de goulées de liqueur indulgente. L'énième symptôme d'la déchéance. C'n'est qu'enfin qu'il reprit un souffle, s'affalant au fond de sa chaise, ses iris noires happées par la tâche sombre qui s'étalait insidieusement sur le tissu immaculé de la chemise. Le blanc d’apparats, veiné d'un pourpre disgracieux. L'appel des Mânes, abandon murmuré au creux de l'oreille – la mort et son linceul si tentateur. À croire qu'c'n'était que l'orgueil qui le faisait tenir ; quelque-chose d'une rancœur empoisonnée contre la vie toute entière. Il aurait pu s'laisser crever sur l'asphalte sombre d'un autre horizon ; ces terres qui avaient recueilli l'ichor du frère. Ployer l'échine face aux mêmes démons tapis dans l'ombre, s'faire détruire par les mêmes mains assassines ; les
faes, ennemis depuis trop longtemps. La seule chose qui faisait sens encore – rage en feu dans les tripes, l'air insufflé au poitrail. Celle qui lui avait fait ravaler la hargne, n'pas tourner de l’œil en s'appliquant des soins d'première nécessité. Points de suture, points de fortune ; resterait une vilaine cicatrice, l'énième empreinte du temps trop long à passer, d'l'existence saturée. Gestes mécaniques au bout de doigts tremblotants, frisson d'l'appétit insatiable jusqu'au bout des membres ; au creux du bras dans les veines, la seringue trouva son point d'ancrage.
L'injection salvatrice en cocktail détonnant : l'affranchissement de l'être sous une nuée d'impressions saturant la conscience. Quelque-chose d'une jouissance au désarroi ; la trêve à tout ce qui était. Astragnan et ses exigences, ses illusions faites couleurs. Bride à l'esprit et à la vision, le lyrium n'fit vibrer que l'instant – secondes égrenées en une respiration retenue au creux de la gorge, un grognement mordant la lèvre. Des secondes, minutes, infinité d'absolution, à oublier les larmes, le calvaire dans la tête, celui à l'abdomen là où une lame avait déchiré les chairs. La lésion qui suintait d'un sang traître ; enfin poussé au bord du gouffre, il sauta à pieds joints – à la fin des tourments, à embrasser la mort de l'être.
Maître du ciel, le soleil avait fini de s'lever quand il retrouva ses esprits : l'aquarelle rosée d'une aurore au cruor pour contrebalancer les ébauches de ténèbres sur le visage crayeux. Quand enfin la solitude prit fin, ce fut sur l'entrée brusque d'une âme familière ; l'allure du pas, sifflement d'une voix à l'oreille. La présence usuelle du lieutenant, quelque-chose de désinvolte dans le premier regard qu'ils s'échangèrent. Et le non-dit d'un ordre latent dans les pupilles ;
n'pose aucune question – ils n'avaient pas b'soin de ça, maintenant. Ça n'servait à rien. Lèvres gercées, usées dans trop d'efforts, trop d'patience. Dans les entrailles, il y avait le lion en cage qui avait déjà perdu patience depuis longtemps. Astragnan, synonyme de la chute, la retraite derrière des remparts d'argent. S'il avait eu c'qu'il voulait, il n'serait pas là. Et peut-être que s'il avait dû crever pour que ça ait l'moindre sens, même ça, c'en aurait valu la peine. Un regret en ombre, coulant furtivement, et entre ses dents, la voix qui vint fendre le duel de regards. «
T'es en retard. » sous-jacent presque, le jugement âpre du capitaine qui reprenait ses fonctions ; sentence posée sur le lieutenant, le goût du cynisme sur la langue. Seth ne pourrait jamais échouer à ses fonctions autant qu'il ne l'avait fait, lui.
@seth nielsen