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@BASIL SUTHERLAND

Le Scientifique à la Capitale. Changement de décor. Après quelques visites à Cínnerial. Permissions écoulées dans la ville des mensonges. Les idées vives derrière la tête. Des rêves probablement. Stupides et dangereux. Mais peu importe, rien n'arrête deux hommes entêtés dans leurs propres convictions. Pas même le bon sens. Aveuglés par leur croyance de bien faire. Avant, bien avant tout ce remue-ménage. Avant qu’il ne devienne Lieutenant. Délaissant sa vie insignifiante, pour se couler dans les responsabilités qu'il a longuement fui.

Le Capitaine d'Astragan coincé au royaume des déchus dans la cruelle Oceara. les rendez-vous ont pris fin, alimentant la promotion du Soldat. Absence de leader, il occupe le poste vacant temporairement, et se doit d'assurer le bon fonctionnement de la sécurité. Les rouages de la ville. Base essentielle de l’ordre. Avortant toutes pensées fugaces des complots et d'Anarchie.

Fascination du rouge. Rouge furieux et obsédant. Celui qui façonne la vie de Nielsen. Besoin crucial d’en découvrir toutes les mécaniques. Dans cette soif de connaissance, il a croisé la route d’une Valois. Destin croisé. Il ne cesse l’essorer pour obtenir ce qu’elle ne veut délier. Fae arrogante, elle résiste mais il l’aura à l’usure.

Dans un contexte plus sain, ou pas, l’humain curieux a attiré son attention. Le Soldat porté candidat pour l'accompagner dans sa recherche. L'avide besoin d’en savoir plus. Dans l’espoir, naif peut-être, de sauver sa fratrie militaire mais aussi sa Nation.

Service terminé, il quitte son uniforme pour une tenue plus décontractée, plus passe-partout. Il déteste être vu ou reconnu. Garçon de l’ombre, chérissant l’anonymat. Au poste de lieutenant depuis moins de deux mois, la récente promotion lui permet de garder encore une part de ce confort. Confort éphémère, tout n’est qu’une question de temps.

Rendez-vous dans une taverne. Assis au fond de la salle. Boisson commandée au bout de la main. Il l’attend. Discussions délicates ne pourront pas être abordées sur le front, mais il connaît dans le quartier quelques bâtiments en ruines où les langues pourront se délier.

Vivant dans les logements attribués aux soldats, Seth ne peut recevoir sans prévenir ses supérieurs. Toutes entrées et sorties sont supervisées par leurs équipes. Il ne peut, pour le moment, mettre les prémices de cette science peu officielle en péril. Ils avancent, pour le progrès. mais tant qu'aucun résultat n'est tangible, la discrétion est de mise.

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Basil & @Seth Nielsen

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(pain ; three days grace)

Le soleil doré se couche lentement sur la belle Astragan, enveloppe les édifices disparates de sa couverture brillante. Une main au-dessus des sourcils pour la bloquer, Basil regarde les panneaux, à la recherche de l’endroit où on l’attend. Malgré l’heure qui avance, qu’on soit en milieu de semaine, les rues sont trop vivantes, débordant de gens que le garçon toise d’un œil envieux de leur non-solitude. Un soupire, puis un regard levé sur le ciel vêtu de nuages orangés. S’il n’avait pas à faire ce soir, ses pas fouleraient le sol encore longtemps, ses iris redécouvriraient les rues qui avaient bercées son adolescence, porteuses de souvenirs heureux, de secrets presque mielleux. Tout juste trente ans, mais l’impression d’en avoir le double lorsqu’il commence à regretter l’oisiveté naïve de ses vingt-ans. Pourtant, ce n’est pas comme s’il redécouvrait Astragan une première fois depuis des années d’absence: ses visites sont assidues, régulière, motivées par des affaires qui ne l’amusent jamais longtemps. Mais cette fois, c’est une bouffée d’air pur, l’angoisse des derniers jours s’étant effacée. Entre les retrouvailles, pas toujours roses, et l’éloignement de son chez lui où il s’était terré, isolé, pendant une des pires vagues anxieuses de sa vie, il respire d’une drôle de liberté. Et ça, même les fiançailles de sa sœur à un type qui le fait plisser des yeux ne peuvent lui arracher. Zieutant son reflet dans une vitrine, le chimiste passe une main dans ses mèches noires pour les replacer, ajuste le col de sa chemise. Aucune pression ne vient faire fléchir son échine : que du calme, jusqu’au bout des doigts. C’est rare, il en profite.

Il entre enfin dans la taverne où ils se sont donné rendez-vous. La porte se refermant derrière lui, barrière entre le rare calme de l’établissement et le chaos des rues qui s’agitent à la tombée du jour. Il y a cette odeur particulière, mélange d’alcool, de bois brûlé et du souvenir des humains y étant trop souvent entassés, qui le gêne vaguement, l’écho particulier des voix qui s’heurtent aux murs en pierres alors que leurs propriétaires tentent de murmurer. Une barmaid, le regard fixé sur le verre qu’elle lave avec un vieux chiffon, l’accueille d’un faible « bienvenue », enthousiasme de fortune. Basil n’y porte pas attention, se dirige immédiatement vers le lieutenant qu’il a repéré de loin. Ce pauvre homme à l’intégrité bientôt sacrifiée en l’honneur d’expériences qui peut-être n’aboutiront jamais à rien. Pensée fataliste qui pourtant ne parvient pas à faire sourciller le scientifique, se découvrant étonnamment indifférent. L’intégrité existe-t-elle réellement lorsqu’on s’injecte l’or rouge en l’honneur d’une Armée pour qui on n'est qu’un fantoche parmi tant d’autres ? Abnégation aveugle, pourrie. Pour le bien commun, supposément. Il pense brièvement à Hyacinth, fait passer l'amertume en inspirant. Laisser s’immoler par le lyrium un soldat déjà bien enfoncé dans les sables carmin est le moindre des sacrifices. Surtout qu’ils risquent, un jour ou l’autre, de devoir planter l’aiguille dans une veine vierge. Enfin, rien n’est moins sûr. L’idée n’est encore qu’un embryon. « Pardonne-moi du retard, je me suis un peu égaré en chemin. », qu’il marmonne tout en se tirant une chaise pour s’asseoir devant lui. Son regard dévie, un peu agacé, sur l’alcool que boit l’homme ; il résiste tant bien que mal à l’envie, sachant très bien qu’il tient trop mal pour y plonger juste avant un entretient supposément sérieux. « Ça te gène pas trop, pour ce soir ? Ça doit pas être de tout repos, le service, tout ça… Après, à Astragan, c’est plutôt tranquille, tu me diras. Je me trompe ? », qu’il laisse tomber, comme si ça l’intéressait vraiment, un fin sourire sur son visage. Il croise les mains sur la table, attend qu’une serveuse se pointe à leur table pour quêter un ennuyant verre d’eau. Consciente que ça implique l’absence de pourboire, elle dévisage Basil qui l’a déjà oubliée, et s’éloigne de la table en grimaçant. « Tu veux pas qu’on reste ici, quand même ? », demande-t-il, les iris brillant d’impatience, en se doutant que leurs sujets de conversation n’ont pas leur place dans ces lieux où les murs ont des oreilles trop curieuses.

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L’atmosphère du début de soirée. Calme. Le brouhaha n’a pas encore enveloppé la scène de ses discours fiévreux. Taverne, lieu réconfortant d'une fin de journée. Insociable dans l’âme, le Soldat aime pourtant se nicher dans la chaleur de l’établissement. Certains préfèreront s’échouer entre les cuisses charnues d’hommes et de femmes, là où lui se plaît en compagnie d’un bon repas.

Les odeurs s’entremêlent. Parfum particulier et identifié de l’endroit. Seth ne les remarque pas, l’esprit simple, il va à l’essentiel, incapable de percevoir la beauté du détail. La seule beauté qu'il saisit est celle liée à sa foi. Fervent croyant, il a cet automatisme de tout raccrocher à la religion et aux signes divins.

La porte s’ouvre, laissant pénétrer les faibles lueurs du crépuscule. L’homme s’invite et longe le bar avant de le rejoindre. Dix ans son cadet, la différence d’âge est capable de provoquer la réticence de certains. Seth n’y prête pas attention, préférant se concentrer sur la réussite de leur collaboration.

Aveuglé par son obsession au lyrium. Aveuglé par son amour du pays. Aveuglé par sa haine de la magie. Des cas qui le poussent à franchir la limite de l’acceptable. Inconscient du réel danger qui le guette. Habitué à n’être que chair à canon, maillon d'un grand ensemble nécessaire mais remplaçable. Devenir cobaye n’est finalement qu’une suite logique dans ce pour quoi il existe.

Une association entre militaire et chercheur pour découvrir les secrets du Rouge et offrir à l'Armée toutes ces informations. Déceler les améliorations ou les inconvénients. Soigner, aider. Devenir invincibles. De douces illusions qui le poussent à agir, par amour pour sa nation. Prêt à subir les conséquences, les effets indésirables ou au mieux, les avantages. Dans un déni absolu qu’il puisse lui arriver une transformation physique.

L’excuse au retard résonne. Son regard se fixe au Scientifique, visage fermé, main toujours fermement attachée à sa boisson. Liqueur d’or portée à ses lèvres, il boit un peu de ce réconfort mérité. Questions de politesses s’inscrivent pour combler le silence. Astragan ville tranquille face à la monstrueuse Oceara. Pourtant, les responsabilités portées par son nouveau poste l’épuise. Un soupir s’échappe, expulsant l’air de ses poumons, comme pour balayer cette pensée.

- On apprend à vivre en dehors du sommeil.

Le repos. Il n’y a pas goûté depuis bien longtemps. Luxe dont il est dispensé depuis son incident au Cercle. Provoquant un crescendo de cauchemars. Animant ses insomnies. La décennie s’est ainsi écoulée. Sur des nuits fragmentées.

- Tu as fait bon voyage ?

Ses paupières clignent comme pour essayer de lui rendre un brin de politesse. Homme d’action, le bavardage n’est pas de ses points forts, et lorsqu’il essaie, il passe pour une brute. La serveuse les interrompt sur ces cinq mots échangés pour prendre une commande qui se révèle n’en n’être pas une. En prime d’une grimace féminine, Seth n’en retient pas son grognement.

- Prends-toi un vrai truc à boire ou à manger, je m’occupe de l’addition.

Quand la victime entretient son bourreau en toute inconscience, par simple fait qu’il est comme ça, hospitalier. Issu de famille ouvrière, il reconnaît aussi le travail fournit par toutes les petites mains du pays, et il ne peut concevoir qu'un client entre sans consommer.

- Mange un truc et après je t’emmène ailleurs.

Une historie de quelques minutes, le temps de recharger les batteries avant de reprendre sur une autre mission, une mission officieuse.

- Sauf si tu es pressé de me charcuter.

Lâché dans un naturel déroutant, le regard inexpressif fixé sur l’invité de fortune, Seth ne s’inquiète pas trop par ses propos. Après tout, sous le couvert de l’humour, ça passe non ?

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« C’est une bonne chose, je suppose… », qu’il conclut sans grande conviction. Le sommeil est une denrée rare dans ce monde de fous. L’absence de froissement, de sourcillement sur le visage de l’homme déconcerte Basil. Lui qui s’accroche aux impressions, aux petits détails qui dévoilent des vérités cachées, se trouve désemparé devant une telle neutralité. Enfin, il y a de ça. De ça, et du sentiment d’étrangeté inquiétante, comme ces poupées d’enfance qu’on défait de leurs yeux, ne laissant que deux trous noirs ou des marques de coutures sur leur visage terne. Ce n’est pas la première fois, ni même la seconde, qu’il s’entretient avec Seth, mais ce sentiment, ce soir, est particulièrement prononcé. Peut-être parce que le chimiste se serait attendu à plus - d’angoisse, peut-être ? d’anticipation ? Il ne saurait dire à quoi exactement. Il fronce les sourcils, Basil, parce qu’il ne sait pas faire mieux, à ce moment même où l’étrangeté lui donne le vertige. L’armée ça vous forge un homme, ça vous l’efface pour « mieux » vous le reconstruire. Heureux, là, maintenant, d’avoir choisi une autre voie. Pour lui, le ton de l’entretient est déjà lancé. « Il n’a pas été fantastique, mais pas terrible non plus. Inconfortable, surtout quand ce qui attend au bout du chemin ce sont des formalités emmerdantes. Mais j’ai eu d’agréables surprises, ça compense. » Comme si ça intéressait le soldat. Probablement autant que ces histoires d’armée ne l’intéressent, lui. Sur son visage, un sourire paisible qui ne déloge pas accompagne la lueur fière de ses iris. Sous la table, son pied s’agite, parle pour lui de l’impatience de quitter la taverne. Mais chaque chose a son temps. Patience, Basil.

« Quelle charité. » Il grimace devant l’insistance de son interlocuteur. La faim ne le titille pas ; il met ça sur le dos de l’excitation. Mais ce serait malin qu’elle commence à le faire au beau milieu de l’entretient, alors il fait signe à la serveuse agacée de revenir vers la table. Il n’a pas pris le temps d’étudier la carte, mais il commande tout de même : une salade, la seule et l’unique de la taverne. Elle s’annonce fade, mais ça allait faire l’affaire. Pendant qu’elle s’éloigne, le chimiste la suit du regard, s’accroche mentalement à cette queue de cheval qui balance de droite à gauche au rythme des hanches. « Avoir su que le découpage était dans les plans, j’aurais apporté de meilleurs outils. » Il rit doucement. Des paroles portées avec le même naturel que celles de son interlocuteur. Basil soupire, se calme un peu. S’adossant contre le dos de sa chaise, il triture le rebord de la table de son pouce et de son index, manque de s’empaler d’une écharde sortant du bois mal entretenu. « Vraiment, je suis reconnaissant que t’aies accepté. J’ose te voir comme une porte ouverte, même si c’est utopique de croire que tes capacités ne sont pas limitées par des variables hors de ton contrôle. », qu’il lance pensivement, toujours en triturant, obsessif, le rebord de la table. S’il se sert de Seth en tant que cobaye, d’observation avant tout – de pratique plus tard, s’ils se rendent jusque-là –, il sait bien qu’il n’est pas la solution magique à tous les nœuds de leur ambition. Ce qui inclut, notamment, l’accès à plus de cobayes et de données. Il inspire. « Ça m’embarrasse, car j’ai laissé à la maison tous les carnets et documents qui auraient pu être pertinents. Je ne m’attendais pas, en venant ici, à la proposition dont je t’ai parlé. J’imaginais de simples retrouvailles, mais on invoque pas un fantôme du passé seulement pour lui dire bonjour. » Il secoue la tête, roule les yeux au ciel en repensant à sa propre bêtise qu’il, pourtant, n’aurait pas pu prévoir. Basil reste vague, se gardant d’évoquer l’or rouge que lorsqu’ils auront suffisamment d’intimité. À voir si l’absence de ces précieux papiers risquait de nuire à leurs discussions. Il en doute, certes, puisqu’il ne s’est jamais rendu bien loin, convoquant Seth pour de brèves observations, pour des ambitions utopiques qu’il ne caressait que du bout des doigts. Il savait qu’il y avait quelque chose à faire avec une telle perle de déchéance à portée de main, mais n’avait jamais franchi le pas. Parce que ce n’était pas sa bataille.

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Masque de neutralité. Signature du lieutenant. Protection du monde extérieur. Carapace épaisse pour ne pas se laisser atteindre, toucher, ni découvrir. Dans un refus excessif de se montrer authentique. Confiance abusée par le passé. Il ne peut pas, il ne peut plus. Soldat de marbre à l’image de ses origines de glace.

Le récit se dénoue sur la voyage du Scientifique. Réponse en demi-teinte. Ni blanche ni noire. Un gris vaporeux pour lui dire que le périple n’a rien eu d’extraordinaire. Regard fixé dans le sien, comme pour capter un semblant de logique dans la volatilité de l’esprit créatif. Seth perçoit ce monde qui les sépare. Lui rigide face à cet autre plus inventif. Pied ancré face à l’esprit voyageur. Un besoin de se nourrir de ce qui l’entoure, là où lui, n’est qu’une carcasse vide.

Formalités emmerdantes. Un quotidien collant où il s’identifie. Responsabilité civile, veiller à la sécurité de la ville, ce qu'il aurait aimé fuir. Trop tard, il est pris dans l’engrenage.

En alternative à ces procédures, il lui propose de s'apaiser à travers un repas. La remarque sur sa charité sonne comme un sombre sarcasme et provoque finalement une réaction, ces sourcils qui se haussent.

- Si la taverne ne te convenait pas, il fallait le préciser avant d’y mettre les pieds.

Gorge qui se racle avant un long silence, ses lèvres se plongent dans sa boisson d’orge. Rendez-vous donné dans cet établissement, aucune opposition faite. L’accord scellé sur une entente. Une gêne quelconque aurait dû être révélée. Seth ne lit pas entre les lignes. Il saisit l’information brute. Ainsi est-il fait.

Découpage annoncé tire un sourire à l’interlocuteur nerveux, ses doigts qui se jouent sur le rebord de la table. Seth a une légère appréhension. Le gamin n’a pas l’air de savoir ce qu’il fait.

- Tu as peur ?

Sans détour. Lancée directement. En pleine face. Peu soucieux des pincettes de la bienséance. Le ton ferme vibre dans la masse du brouhaha. Il le fixe de ses prunelles noires mais ils sont interrompus par cette assiette qui arrive, la salade, qui provoque un claquement sourd à la rencontre du contenant et du support.

Vivre sans peur. Telle est la devise des guerriers, des hommes de front. La peur, amie de la folie, pousse à la perte de contrôle et porte en son sein, la conséquence de maladresses.

Couteau en main d’une assiette qu’il n’a pas commandé, il pointe l’arme culinaire vers son interlocuteur. Solidement attaché à sa fermeté.

- Si tu ne sais pas ce que tu fais, si tu n’es pas sûr de ce que tu veux, alors nous ne pourrons pas continuer.

Cruel manque d’empathie, le Scientifique fait l’expérience du caractère abrupt du Soldat. Caractère typique des membres de l’Armée. Sans ce pragmatisme, ils se consument par leurs craintes et leurs doutes. Là où le doute n’a pas sa place. L’intention n’est pas de le brusquer, mais il a besoin de voir qu'il fait face à un expert. Tout le monde peut se prétendre homme de science et ne pas en avoir les compétences.

Carnets oubliés marquent un peu plus son visage fatigué. Il relâche son couteau dans un fracas étouffé par sa main. Seth termine sa boisson dans une longue gorgée interminable, pousse sa chaise sous l’impulsion de ses jambes et se relève. Veste enfilée, il attrape Basil par le bras et le soulève de sa chaise dans une facilité déconcertante. Poids lourd, poids plume. Il le tire vers la sortie en plaçant les pièces d’or sur le comptoir.

Quelques mètres s’enchaînent dans un silence pesant, tirant le Scientifique jusqu’à un édifice abandonné. À distance des artères bruyantes. Loin des oreilles et des regards indiscrets. Lieu parfait pour lever le voile de la censure.

Alors qu’il relâche son otage de fortune, il ouvre la porte grâce à un trousseau de clés, lui fait signe de rentrer avant de le suivre et de refermer soigneusement le portail.

- Si tu es venu pour me faire perdre mon temps, dis le moi tout de suite.

L'agacement lisible contrebalance son air froid et cette distance qu'il instaure. Il est temps de se parler franchement, sans se soucier d'être entendu.

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« Peut-être. », qu’il laisse tomber vaguement, en détaillant son interlocuteur du regard. Un sourire narquois devant ce qu’il interprète comme un mépris venu s’heurter à son orgueil. La peur ; il vit avec, apprend tant bien que mal à en faire une force plutôt que la condamner au rang de faiblesse. L’homme qui n’a peur de rien peut-il seulement prétendre être humain? C’est ce qu’il se demande, à travers ses iris qu’il tient fières ; interrogation qu’il garde muette alors qu’il s’attarde à sa salade fade. C’est sûrement le lyrium qui défait l’autre homme d’un semblant d’humanité. Ou l’armée. Il n’en sait rien, est-ce réellement son problème ? Si ça peut être pertinent pour ses recherches, tout a le potentiel de devenir son problème. Surtout cette ombre de violence que projette le couteau pointé sur lui et qui laisse Basil étreint d’une étrange indifférence ; celle des gens qui avaient fait la paix, un jour ou l’autre, avec une envie de la mort, aussi paradoxale soit-elle pour un homme qui regrette sa mortalité. Mais aussi celle de ceux qui, parfois, se surestiment. Il dépose sa fourchette au moment où la moquerie de ses traits se mue en agacement seulement troublé par le fracas du couteau sur le plat. Comme un sursaut venu le brusquer dans cette bulle de protection. Vexé, Basil, d’être pris pour un incapable pour une histoire de papiers. Carnets vains pour un projet qui nécessitait une nouvelle approche. Embêté de devoir peser ses mots avec le soldat qu’il sent susceptible. Sa salade, soudainement, le dégoûte. Lui qui doute si souvent de lui se sent amèrement conforté dans ses inquiétudes. Sourcils froncés, regard froid. Plus un son ne sort de sa bouche quand ce dernier vient le prendre par le bras pour le sortir de force de la taverne, seulement un grommellement à peine étouffé pour exprimer son mécontentement.

Il ne souffle qu’une fois arrivés au bâtiment où, relâché, il s’éloigne d’un bon mètre de Seth. Vite fait, son regard balaie le vide qui les entoure, sans y porter une trop grande attention. Seuls, accompagnés que par l’écho de leurs voix, de leurs pas. « Il me semble que ce n’est pas la première fois qu’on s’entretient, Seth. Pourquoi gaspiller ton précieux temps si ce n’est que par confiance ? » Par faiblesse ? Ça lui arrache un rire muet, à Basil qui, croit-il, n’a pas à se justifier. De toutes façons, qu’est-ce qu’il lui dirait ? Qu’il est un des plus jeunes chimistes de la Main ? Qu’on ne l’a pas sélectionné, lui, par manque de main d’œuvre ? Des plans pour titiller l’homme d’armée plus qu’il ne le voudrait. « Parce que les doses qu’ils te donnent ne te suffisent plus ? Tu n’as pas besoin de moi pour ça, tu le sais très bien. La vermine se nourrit de votre mal à même les rayons du jour, vous guette au tournant des rues. » Il a le regard qui tremble, Basil, sous ses yeux plissés par l’amertume ; compte sur la lumière faible pour camoufler son trouble. Le scientifique n’a pas l’habitude d’agir tel quel, de vouloir avoir le dessus autrement que dans une équipe constituée de ses semblables. Il marche sur des terrains qui lui sont encore relativement inconnus, habitué à œuvrer dans l’ombre. Seth, cobaye précieux, sujet qui aurait tellement à leur révéler sur les ravages d’une surconsommation, sur l’humanité ravagée. Conscient que le temps finirait un jour par leur manquer, il ne pouvait se permettre de le laisser lui glisser entre les doigts. « Patience. », qu’il conclue sèchement en tournant les talons pour se mettre à la recherche d’une surface pouvant faire office de table. Sur un plan de travail chambranlant, il laisse tomber son sac. Un nuage de fumée s’en soulève, vient lui chatouiller le nez pendant qu’il sort le carnet dans lequel il avait commencé à prendre des notes suivant son entretient avec Elhara. Il l’ouvre sur une page noircie, inspire. « Si tu ne peux pas m’offrir ton entière collaboration, si t’es là que pour te passer l’aiguille et te frustrer dès que les choses ne vont pas à ton rythme, c’est moi qui perd mon temps. » Il se penche au-dessus de la table, se concentre brièvement sur ses écrits. À ce stade-ci, il ne peut pas faire grand-chose d’extravagant, si ce n’est que de l’informer des risques, de lui poser toutes ces questions qu’il mijotait dans le fond de son crâne. L’autre ne le laisse pas supposer qu’il se contenterait de pacotilles intellectuelles qu’il ne comprendrait sûrement pas, de toute manière. « T’as une dose avec toi ? », qu’il demande sans lever le regard de son carnet. Il peut bien déroger de ses plans une fois de temps en temps…

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La peur. Il la laisse se teinter d'un entre deux. Pas de oui, ni de non. La nuance est plus subtile et se colore d'un sourire narquois qui anime les nerfs du Soldat. Le Scientifique se joue-t-il de lui ? Rencontre de deux orgueils. Caractères différents et pourtant, deux hommes ayant à coeur la même mission. Il ne comprend pas sa réaction et réagit sous le coup de chaud. Bras saisit entre ses doigts. Poigne ferme et directive. La bête fonce dans le tas. Dévastant d'un coup de main, toute la bienséance qui définit l'être humain.

La taverne quittée. Nouveau lieu. Moins accueillant. Beaucoup plus froid. Hostile même. À l'image du Nielsen sous réserve. Doute éveillé sur les compétences de son interlocuteur. Celui-ci reprend agilement les points de leur relation et pointe sur l'essentiel. Ils ne sont pas à leur première rencontre. La confiance se doit d'être présente.

L'air mutin se détache progressivement de ses traits tendus. La tête se hoche en faveur de sa raison. Alors que son expression se décrispent, ses bras se croisent. Observation silencieuse.

- C'est fou ce besoin que vous avez de tout rattacher à l'Armée et à son usage au Lyrium.

Ah ? N'est-ce pas là la justification de leur collaboration ? Travailler étroitement pour creuser sur le sujet de la faction à cette substance ? Un vous qu'il ne peut contenir. Parce que les rencontres sont nombreuses. À dénoncer leur consommation obligatoire. Celle qui les protège d'un mal magique. Lui, il a juste fait le choix d'en consommer d'avantage. Dans un besoin de se rassurer. De bannir les pouvoirs des Fae et autres créatures de lui. Pour se débarrasser d'un contrôle extérieur. Finalement, un renversement des choses. Il échappe à une possession pour tomber dans une autre. Une autre plus acceptable, même s'il n'en a pas conscience. Nielsen ne réalise pas son addiction au Lyrium. Les effets secondaires, hallucination, bourdonnement, paranoia, irritations, sont pour lui liés au reste de son traumatisme du Cercle.

- J'obtiens mes doses légalement, comme tout bon soldat.

Bras toujours croisés, le ton un peu plus sombre. Même s'il connaît l'implication de certains de ses collègues avec la Main Écarlate, lui, il se refuse de tomber là-dedans. Douce ironie, puisque son partenariat avec le Chimiste a ce petit quelque chose qui baigne justement là-dedans.

Patience. Un grognement de protestation étouffé. Homme bélier qui fonce dans le tas. Se contenir et attendre. Deux vertus qui lui sont difficiles. Il n'a pas le choix et ne peut que s'en remettre à l'homme de la situation. Basil. La silhouette s'éloigne pour poser son sac sur la table, où il en sort un carnet épais. Finalement, les mains ne sont pas totalement vides, et dans le fracas du sac qui calque, il l'accompagne d'une remarque piquante qui ne manque pas de le faire réagir.

- Soyons clair. Je ne suis pas là pour racoler des doses. Si je suis là, c'est pour faire avancer la recherche parce qu'elle me semble nécessaire à l'Armée.

Ambition noble et sincère. Seth n'est pas un menteur. Il n'a même pas conscience de son addiction. Un fait qui rend la scène terrible et qui ponctue son tragique par cette conclusion.

- Et je n'ai pas peur du sacrifice. Si cela doit me tuer à petit feu pour en sauver d'autres, alors ça me va.

Un silence plane. Renforçant les paroles énoncées. Les bras se décroisent finalement et il s'avance d'un pas déterminé. Il est sûr de lui. Plus que jamais. Il veut aider et il va aider. Les choses sont aussi simples.

Pour lier ses paroles à son gestes. Dans la confirmation qu'il n'est pas un junkie et que ses intentions sont sincères, la dernière demande signe par la négative.

- Je ne prends jamais de dose sur moi et de toute façon, je suis à jour. Inutile de forcer la main.

Il ne parvient pas à comprendre ces soldats qui se promènent avec leur kit. L'injection doit se faire dans un environnement sécurisé et non au coin d'une rue comme un fugitif dans un besoin urgent. La prise de Lyrium se contrôle. Chacun est responsable de sa consommation et d'anticiper un éventuel manque.

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