fantôme du passé /imany&siora.

La ville était incroyablement calme. Siora était arrivée la veille, au crépuscule et aujourd'hui, elle était déjà levée aux aurores. Elle n'avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil et était habituée à se lever si tôt. Ses entraînements chaque matin étaient comme une bouffée d'air frais pour la rouge. Ce matin, cependant, elle avait sauté l'entrainement pour se rendre au port. Elle slalomait dans les rues qu'elle connaissait encore par coeur. Les trois années de patrouilles lui avaient enseigné les secrets d'Oceara et, aujourd'hui encore, elle se souvenait de chaque recoin, chaque raccourci.. C'est donc sans mal qu'elle arriva près du port, où, au contraire des rues désertes, l'activité battait déjà son plein.

Elle progressa au milieu de ce monde qui grouille autour d'elle pour rejoindre le lieu qu'elle désire. C'est étrange, car l'établissement n'a pas vraiment de nom, on l'appelle "la cantine des dockers". Ils y servent à manger à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit et jamais il ne se vide vraiment. C'est là que Siora comptait prendre son petit déjeuner. Elle avait caché le médaillon de l'Ordre sous le tissu de son haut afin de ne pas échauffer les esprits. Elle souhaitait être discrète, en espérant qu'elle ne soit pas reconnue sans sa tenue de l'Armée.

Elle était présente à Oceara, où elle n'avait pas mit les pieds depuis un moment, pour une mission qui se déroulerait deux jours plus tard.. Elle avait été appelée pour sa connaissance du terrain, en renfort pour une intervention sur les docks. Elle n'avait pas encore suivit la réunion de préparation et ne savait pas encore ce qui était prévu exactement, mais elle voulait prendre la température. Savoir ce qui se disait, ce qui échauffait les esprits, ce qui pourrait se retourner contre eux lors de la mission.

Elle s'installa a une table, dans le coin de la salle, de sorte à pouvoir observer l'ensemble de la pièce. Lorsqu'on vint vers elle, elle commanda des oeufs et du pain, ainsi que de l'eau pour faire passer le tout. Elle aimait les petits déjeuners salés, le sucre l'écoeurant toujours bien trop vite. Elle commença à manger tranquillement, sans se presser. Le but n'était pas d'avoir fini en cinq minutes, mais bien de laisser le temps au gens de parler, prendre le temps de s'imprégner de l'ambiance, observer les possibles nervosités présentes.

Il y a une heure de cela, Imany ne connaissait ni Daan ni Sindri. Ils étaient de parfaits inconnus pour elle, et elle pour eux. Pourtant, à les voir tous les trois, assis à une table branlante qu’on a calé avec un livre aux pages humides, on n’y croirait pas. Par moment, leurs rires transpercent les conversations bruyantes des dockers. Bien que le jour soit encore timide, la plupart des hommes et des femmes attablé·es à la cantine ont déjà effectué la moitié de leur journée, ou toute. Bientôt, iels seront remplacé·es par d’autres, une même masse grouillante qui travaillera jusqu’à la nuit. Et ainsi de suite. Imany est très au fait des roulements dans le port. Elle compte beaucoup sur ces allers et venues incessantes pour recouper tous les lambeaux d’informations qu’elle a déjà pu recueillir et, sous ses airs de passer la meilleure récréation de sa vie, la pirate asticote encore de ses questions. Il a même fallu feindre de perdre aux cartes pour ça.

« ...et j’ai pas compris pourquoi, il s’est planqué dans le tonneau. » Sindri termine son histoire sous l'œil moqueur de son comparse. « N’importe quoi. » « Je te jure. » Une minute ou deux, ils se chamaillent. Ce temps-là, Imany l’emploie à balayer le vieux hangar de son regard traînant. D’abord, la porte. Elle surveille fréquemment les entrées – des fois qu’un gaillard de la milice souhaiterait parachever le travail de la veille. Ensuite, les fenêtres car ce sont toujours des issues. Puis chaque petit groupe est scruté avec cette trombine de chercher un camarade attendu dans la foule. D’ailleurs, personne ne lui rend ses coups d’œil. On s’en fiche bien. « Bah, du coup on l’a chargé avec sa marchandise, est en train de dire Sindri quand elle bat des paupières et les regarde encore. » « C’est une vieille combine. » Les deux dockers, qui se plaisaient assez à se raconter des anecdotes fort éculées, clignent des yeux. « De quoi tu parles ? » Imany s’arrête là de son intervention, les pupilles alertées par une jeune femme – manifestement humaine – installée dans un coin de la cantine. Elle a comme une intuition bizarre, un sentiment que quelque chose ne colle pas tout à fait. C’est un peu pour éviter qu’on n’attarde ce genre de jugement sur elle-même qu’elle s’est affrétée la compagnie des deux dockers. « Eh. » Daan la secoue gentiment à l’épaule. Ils vont lui redemander la même chose mais elle les prend tous les deux de court : « Cette fille, là-bas, l'un de vous deux la connait ? » « Nan. Mais elle est jolie. Aïe ! Mais quoi ! »

Cette fois, Imany la dévisage. Elle la regarde avec une insistance qui ne passera pas inaperçu, et qu’on lui rendra certainement.

Siora fait les cent pas. Elle marche de long en large, persuadée que la fae ne la suivra pas. Après tout, pourquoi le ferait-elle ? La rouge, elle, ne l'aurait pas fait. Ça sentait le piège à plein nez. Pourtant, il n'en était rien. Elle n'aurait juste pas voulu être vue en train de discuter tranquillement avec des fae. Si l'un de ses collègues s'était pointé, elle ne sait comment elle aurait pu expliquer une telle vision. C'est pour cela qu'elle avait voulu se tenir à l'écart, loin des yeux indiscrets si nombreux dans une ville comme Oceara.. Elle ne le savait que trop bien.

Et puis, elle entendit des pas derrière elle. Quelqu'un venait de s'engager dans la ruelle. Elle se retourna et se retrouva nez à nez avec la fae à la peau dorée par le soleil. Cette dernière n'était pas très amicale, mais qui lui en aurait voulu, dans pareille situation ? Rapidement, le regard de Siora fut attiré par la main qui danse près de la garde d'un sabre à peine camouflé par la cape de la fae. « T'es qui ? » La question claque, méfiance exacerbée par la situation. Siora lève alors les mains en signe de paix, heureuse que son médaillon soit toujours camouflé. Cela aurait envoyé le mauvais message.

« Je suis Siora. » Elle n'en dit pas plus, son nom - si la fae le connaissait de réputation - comme son métier seraient sûrement mal prit. Elle préférait rester vague, pour le moment. « On s'est rencontrées il y a quinze ans. Je suis tombée d'une petite falaise et je n'arrivais pas à rejoindre la plage, qui était trop loin. J'ai cru que j'allais m'enfoncer et tu m'as remonté et sauvé. » Le tutoiement réciproque, pour tenter d'instaurer une certaine proximité. Elle laisse retomber ses main. « Je ne pensais pas retomber sur ma sauveuse un jour.. » Elle craint la réaction de la fae. Après tout, elle a sa dague sur elle, mais rien de plus, et son injection de lyrium remonte à une petite semaine, et ne fait plus autant effet que le jour même.. Il fallait qu'elle reste prudente. Un face à face pouvait aussi bien être favorable pour elle que pour la fae. Et elle ne tenait pas à se faire tuer dans une ruelle comme celle-ci, de cette manière. De toute façon, elle ne tenait pas à l'affrontement, elle souhaitait simplement parler, savoir qui elle était, qui elle devait remercier pour lui avoir sauvé la vie sans rien demander en échange.

Elle avait toujours supposé qu'elle était pirate, vu le bateau qu'elle avait rejoint après l'avoir sauvé. Elle s'amusait de cette pensée, enfant. Avoir été sauvé par une pirate était une idée grandiose pour une gamine à l'imaginaire développé.. Mais elle pouvait très bien n'être qu'un passager temporaire du navire, par exemple. Le sabre, cependant, l'amenait à se re-pencher sur cette théorie. Continuant de gamberger, elle attendait patiemment la réaction de son interlocutrice.

Soutenir plusieurs secondes les rétines d'une personne que l'on ne connait pas – qu'on croit connaître, et puis non, et puis si –, c'est d'une imprudence confondante. Mais Imany ne peut pas s'en empêcher ; ça fait vriller deux ou trois paires de neurones, calfeutrées dans un coin, alors elle s'attarde et ça n'a l'air de rien mais, pour l'attentif, ce serait notable. Déplacé. Bizarre. On est censé se dire : c'est quoi son putain de problème exactement ? est-ce qu'elle veut mon portrait ou que j'lui r'fasse le sien ? L'autre, néanmoins, lui renvoie cet éclat. Elle l'a reconnue, Imany en est sûre. Elle ne met pas non plus le doigt sur le truc ; quand c'était ; et ce que c'était. C'est qu'une gamine – pas vraiment, mais tous les humains ont des airs de môme. Sans s'en rendre compte, la capitaine pirate re-situe précisément toute l'affaire : c'était une gosse. Mais ça ne lui monte pas tout de suite au souvenir.

C'était il y a quinze ans. Une petite éternité. Et une journée anecdotique.

« Euh... arrête de la mater ?
- C'est clair, on dirait que tu vas la bouffer. »

Imany bat des cils. Daan et Sindri font les étonnés, comme s'ils attendaient une bonne explication d'une femme que, au demeurant, ils ne connaissent pas. « T'as gagné. Elle se barre. » Daan se plaint en suivant l'inconnue des yeux, ce qui, assez heureusement, distrairait n'importe quel observateur de l'attention qu'Imany lui portait elle-même quelques secondes auparavant. Surtout, elle cherche, se trifouille les méninges. Qui. Quand. Quoi. Bordel, c'était quand, c'était qui. Elle est certaine d'avoir perçu une invitation et pas une once d'hostilité non plus. Pourtant, ça ressemble à un traquenard. Qui. Quand. Quoi. Mais ça ne lui revient pas.

« Elle te doit de l'argent ? tente Sindri comme s'il tenait la seule explication plausible. Moi, quand ça m'arrive... » « J'reviens. » Imany les plante là. Elle a besoin de savoir. Cette entrevue par les pupilles lui a laissé le goût d'une insécurité croissante mais elle a besoin d'en avoir le cœur net. Et tant pis pour les emmerdes en pagaille, comme chaque fois.

C'était il y a quinze ans. Longtemps, elle s'en rend tout de même compte. Mais ça ne va pas plus loin.

Une fois en dehors de la cantine, Imany sonde les alentours avec soin. Il n'y a pas trace d'une patrouille ou même d'un porte-flingue à la solde de quiconque. Rien que des honnêtes travailleur·ses, qui suent jusqu'au sang pour des patrons qu'ils ne rencontrent jamais. En se fiant aux odeurs qui traînent dans la rue, elle inspecte la rue adjacente. Tranquille. Vide.

À l'exception de la fille.

« T'es qui ? » Les politesses attendront. Et, pour toute courtoisie, Imany frôle la garde de son sabre, protégé par sa cape.

Siora fait les cent pas. Elle marche de long en large, persuadée que la fae ne la suivra pas. Après tout, pourquoi le ferait-elle ? La rouge, elle, ne l'aurait pas fait. Ça sentait le piège à plein nez. Pourtant, il n'en était rien. Elle n'aurait juste pas voulu être vue en train de discuter tranquillement avec des fae. Si l'un de ses collègues s'était pointé, elle ne sait comment elle aurait pu expliquer une telle vision. C'est pour cela qu'elle avait voulu se tenir à l'écart, loin des yeux indiscrets si nombreux dans une ville comme Oceara.. Elle ne le savait que trop bien.

Et puis, elle entendit des pas derrière elle. Quelqu'un venait de s'engager dans la ruelle. Elle se retourna et se retrouva nez à nez avec la fae à la peau dorée par le soleil. Cette dernière n'était pas très amicale, mais qui lui en aurait voulu, dans pareille situation ? Rapidement, le regard de Siora fut attiré par la main qui danse près de la garde d'un sabre à peine camouflé par la cape de la fae. « T'es qui ? » La question claque, méfiance exacerbée par la situation. Siora lève alors les mains en signe de paix, heureuse que son médaillon soit toujours camouflé. Cela aurait envoyé le mauvais message.

« Je suis Siora. » Elle n'en dit pas plus, son nom - si la fae le connaissait de réputation - comme son métier seraient sûrement mal prit. Elle préférait rester vague, pour le moment. « On s'est rencontrées il y a quinze ans. Je suis tombée d'une petite falaise et je n'arrivais pas à rejoindre la plage, qui était trop loin. J'ai cru que j'allais m'enfoncer et tu m'as remonté et sauvé. » Le tutoiement réciproque, pour tenter d'instaurer une certaine proximité. Elle laisse retomber ses main. « Je ne pensais pas retomber sur ma sauveuse un jour.. » Elle craint la réaction de la fae. Après tout, elle a sa dague sur elle, mais rien de plus, et son injection de lyrium remonte à une petite semaine, et ne fait plus autant effet que le jour même.. Il fallait qu'elle reste prudente. Un face à face pouvait aussi bien être favorable pour elle que pour la fae. Et elle ne tenait pas à se faire tuer dans une ruelle comme celle-ci, de cette manière. De toute façon, elle ne tenait pas à l'affrontement, elle souhaitait simplement parler, savoir qui elle était, qui elle devait remercier pour lui avoir sauvé la vie sans rien demander en échange.

Elle avait toujours supposé qu'elle était pirate, vu le bateau qu'elle avait rejoint après l'avoir sauvé. Elle s'amusait de cette pensée, enfant. Avoir été sauvé par une pirate était une idée grandiose pour une gamine à l'imaginaire développé.. Mais elle pouvait très bien n'être qu'un passager temporaire du navire, par exemple. Le sabre, cependant, l'amenait à se re-pencher sur cette théorie. Continuant de gamberger, elle attendait patiemment la réaction de son interlocutrice.