L'instant d'avant, tu n'étais qu'une illusion, une chose abstraite dans le ventre d'une mère qui avait peine à te contenir. L'instant d'après tu étais concrète, faite de chair et de sang, gémissant à peine pour démontrer ton arrivée dans ce monde. Tu étais la deuxième d'une paire de gamines, séparées par le temps qui vous écarte l'une de l'autre. Toi, tu vois le jour à l'aube, accueilli par les premières lueurs du soleil levant, colorant le ciel par ces teints roses et orangés. De son côté, ta soeur prend son premier souffle sous les derniers rayons de la lune, accompagné par un paysage qui perdait de sa noirceur pour le doux violet marquant la fin de la nuit. De toutes ces choses que vous partagiez, la date qui marquait votre arrivées n'en était pas unes : chacune réclamait une journée d'Avélie pour la sienne, refusant même avant d'être mise au monde de partager. Mais ceci-ci n'avait guère d'importance puisque, sous les derniers frémissements de son accouchement que ta mère prend finalement parole. « Montrez-moi mes filles. » Questionnement dissimuler sous la demande, c'est ce besoin de confirmer le sexe de ses enfants qui la pousse à faire ce dernier effort. Déposé tout doucement dans ses bras, tes yeux ambrés se posent pour la première fois sur ceux de ta mère, figure matriarcale qui était prête à tout pour toi. « My beautiful daugthers... »

Tu rentres dans ta chambre d'un pas doux et posé, projetant l'apparence d'une innocence complète que tu maîtrisais déjà à cet âge. La commotion de tes quartiers privés attrape ton attention, ta chambre étant d'habitude d'un vide complet. C'est la présence de ta mère au centre de celle-ci qui explique ce nouveau chaos. Supervisant le travail de servantes, elle dominait la pièce par sa simple présence à la fois gracieuse et autoritaire. Tu vois tes coffres se faire remplir un à un par tes effets personnels, tous pliés et posés avec soin avant d'être caché par le prochain item. Étrange, tu n'avais pas été averti d'un départ quelconque. Tu t'avances dans la pièce avant de te positionner près de ta mère, imitant la posture de la matriarche : « Mère. » Ton intonation était doux et dévoué de questionnements : même à cet âge tu avais compris l'importance d'éviter de questionner les actions maternelles. Tu savais qu'elle n'avait que de bonnes intentions à ton égard et tu étais convaincu que l'information que tu cherchais te serais dévoilé sous peu. Tu étais une Blackwood après tout : rien ne vous étaient dissimulés. C'est d'une voix froide qu'elle te répond, délaissant sa surveillance des valises qui parsemaient le plancher devant elle. « Nous quittons Adenor pour Nythsari. Travan a été nommé roi. » Tu la regardes du même regard froid, ceci étant presque un trait familial. Tu hoches de la tête : elle n'avait pas besoin de t'en dire plus pour que tu comprennes autant qu'une gamine pouvait saisir. Tu étais maintenant une princesse de Nythsari sous l'autorité de ton paternel, troisième fille d'une famille maintenant de sang royal. Malgré cette nouvelle ascendance, tu voyais que ta mère n'en était pas satisfaite. « Prépare-toi, ma fille. Nous avons du travail à faire. » c'est sur ces mots qu'elle quitte tes quartiers, se déplaçant déjà comme la reine qu'elle venait de devenir.

Tu n'avais jamais été proche de ton paternel pendant tes treize années d'existence et la mort de cet homme qui était ton géniteur te prenait au dépourvu : pendant que ton petit frère beuglait sa perte, tu cachais ce manque d'émotions sous de petites larmes forcées. Tu ne savais pas comment te sentir, comment réagir envers sa mort qui semblait à peine t'affecter. Cet homme que tu regardais brûler sur le bûcher funèbre était un paternel que tu connaissais à peine, dont la présence dans ta vie pouvait être compté sur les doigts de tes mains d'enfant. Isolation des influences masculines, tu avais toujours été entouré de femmes forte et cette tristesse que Perseus associait avec votre figure patriarcale t'échappais. Glissant doucement une de tes mèches brunes derrière ton oreille, ton regard se lève vers la propriétaire de cette main qui avait effleuré ta joue pendant un bref instant. Tes yeux se pose sûr ceux de ta mère, la regardant de tous bas. « Il n'y a rien de mal dans ce que tu ressens, ma fille. » Sa main sous ton menton, elle essuie les larmes d'un coup de pouce sec. Elle savait toujours comment tu te sentais sans que tu puisses en former les mots : c'était impressionnant et rassurant à la fois. C'était la première et la dernière fois que tu vois cette douceur parvenant de ta mère.

Tu avais choisi une robe blanche pour cette occasion unique, envoûté par son opalescence et ses détails minutieusement brodés. C'était une robe magnifique qui scintillait presque sous la lueur des centaines de chandeliers. Tu étais dans une salle accompagnée de tous les nouveaux initiés : ils étaient étalés un peu partout dans la pièce, profitant de tous les petits plaisirs généreusement offert par Ad Astra. Il y avait de tous les luxes, tous ses items qui faisaient partie de ton quotidien et qui semblait fasciner les moins fortunés. De la piste de danse, tu regardais ces jeunes profiter abondamment des coupes de champagnes et des délices culinaires, ne touchant aucunement au luxe qui était offert. Tu étais préoccupée, ton attention concentrée sur ton cavalier : il te guidait d'une main d'expert, te tournoyant d'un tour de main précis. Pour un bal organisé par une faction religieuse, tu t'amusais. La valse terminée, il te guide avec un air de séduction vers les hors d'œuvres, tentant de te charmer avec sa galanterie et de beaux sourires. Tu en étais presque délectée par cette attention, l'écoutant se vendre pour acquérir tes faveurs. C'est du coin de l'oeil que tu vois les portes de la salle se refermer doucement. Tous entend le click sonore des portes qui se verrouillaient, puis la voix de la Divine Noire résonné dans la salle.« Cette nuit, vous allez devoir vous affronter pour déterminer qui seront les plus méritants de faire partie de notre organisation. Sept d'entre vous allez voir la lumière du jour. Survivez jusqu'à l'aube : c'est votre seule tâche. » Le silence règne dans la pièce pendant un moment, l'incompréhension se lisant sur le visage des jeunes adeptes. Ton regard croise  celui de ta soeur, ta copie parfaite, de l'autre côté de la salle. Conversation inédite, toute deux savais ce qui devait être accomplis : aucune Blackwood n'allait tomber ce soir. Évitant les mouvements brusques, tu étires doucement ton bras pour saisir un couteau argenté déposé sur la table. Tu pouvais presque entendre la voix de ta mère dans ta tête, te murmurant dans l'oreille ce que tu devais faire, mais tu le savais déjà : va pour les hommes and cut them down to size. C'est d'un coup rapide et efficace que tu tranches la gorge de ton cavalier, susurrant doucement dans son oreille « Désolé mon beau, il y a déjà trop de vous. » Tu regardes son corps tombé au sol, observant au passage cette robe autrefois laiteuse éclaboussé par des gouttes de sangs. Tu n'avais aucun regret, aucune tristesse. Vérifiant d'un oeil rapide le progrès de ta soeur, tu continues ton massacre, déçu de devoir en laissant la moitié vivant.