La fille d'automne sert contre elle un amas de couverture. La nuit à envelopper le monde de son manteau de ténèbres, laissant à la lune seule le pouvoir d'illuminer la terre. Un éclat de voix brise le silence des ténèbres, lézardant le monde endormi pour le marquer de sa présence. La créature s'immobilise, laissant sa main glissé sur le tissus pour le réajuster, laissant entrevoir le visage rosé d'un nouveau nez. « shhh. » bruissement blanc, dispensé comme une berceuse, alors qu'elle câline le petit être qu'elle tient dans le creux de ses bras. Une douceur étrange qui émane d'elle, bien peu habituée à de telles démonstrations ou autres sensibleries. Elle devait détester tout ce qu'elle représente, mais elle s'y accroche furieusement, le cœur en berne à l'idée de devoir l'abandonner, la laisser grandir loin de la famille à laquelle elle appartient bien malgré elle. Mais sa simple existence heurte la matriarche Anzalone, lui rappelant le fruit d'une monstruosité dont elle a bien du mal à se remettre, alors comment pourrait elle vivre la présence de sa maudite progéniture. Elle devait l'oublier, ils devaient tous l'oublier, mais Zola ne pouvait définitivement pas s'y résoudre, liée d'une étrange façon à l'hybride. La pression qui pesait contre son myocarde était douloureuse, trahissant l'amour et la haine qui se mêlaient et s'entremêlaient furieusement en elle, dans une bataille incessante pour comprendre ce qu'elle ressentait. Une débâcle de sentiment dont elle se serait volontiers passé. Arrivée devant l'orphelinat, la magicienne s'immobilise. Ses lèvres se pincent, elle contemple le bâtiment avant de laisser son regard s'abaisser sur cette presque sœur. « Je te souhaite une belle vie, ma Nepheri. » Elle se l'octroyait, comme une chose que l'on peut posséder, parce qu'elle savait, la furieuse blonde, que ce petit être ferait toujours partie d'elle. Elle se penchait pour déposer l'enfant, non sans dispenser une caresse sur ses joues rosies. La petite bestiole se mouve dans le tissus, cherche à se lover contre le vide, contre l'absence. Son cœur loupe un battement, avant de battre de plus belle, douloureusement. Elle se redresse, frappé par l’horreur qu'elle ne puisse pas aller au bout de cette curieuse mission. Elle dépose une lettre. Quelques mots griffonnés sur un parchemin, pour que l'enfant porte un peu d'elle, à travers le nom qu'elle lui avait donné, dans le plus grand des secrets.


Les iris azures glacés se posent sur son aîné. Elle ne l'écoute plus réellement, non, elle les connaît par cœur ses arguments, ses idéaux anesthésier par son petit confort personnel. Il manque cruellement d'ambition, l'héritier, se vautrant dans le luxe de sa position sans guère se soucier des coutumes faes qui sont piétiner et traîner dans la boue. Elle n'en peut plus, de lui, de ses propos dépassés, de son comportement laxiste, de son laisser aller. Elle ne le supporte plus. Foutue chaire, foutu sang, devrait-elle l'aimer et le suivre aveuglément sous prétexte qu'il est son frère? Lui, ce frère dont elle se serait bien passé, lui, ce frère qu'elle n'aurait jamais choisi. Les années filent, le temps s'égraine, Sans que Zola ne puisse plus supporter sa présence. Tout en lui l'irrite, profondément. « Pourquoi ne peux-tu donc pas te satisfaire de la vie que nous avons? » Le monstre en elle gronde furieusement, son corps se tend, sa mâchoire se crispe et ses poings se serrent avec force, ses ongles laissent des demis lunes blanchâtres sur sa peau de pêche. Elle secoue son minois à la négative, s'écarte de lui pour toiser l'extérieur, elle laisse son regard se perdre dans le lointain. Elle inspire et expire, profondément. Elle sait ce qu'elle doit faire. Elle le sait depuis longtemps. Ce n'est pas pour autant facile, alors elle prend le temps d'y réfléchir, une dernière fois, une toute dernière fois, car il n'y aura pas de retour en arrière possible. C'est son aura qui trahi la monstrueuse, elle dégueule d'elle, ombre insupportable qui sème la mort dans son sillage. Elle oppresse son cœur, noirci son âme. « Zola? » Interpellation doucereuse dans l'écho de ses pas qui s'approchent. La créature de l'automne ferme les yeux lorsque l'aîné des Anzalone vient poser sa main contre son épaule. Elle laisse échapper un soupire alors qu'elle se tourne avec lenteur, venant se lover contre lui. Sa main glisse autour de sa taille, son menton venant reposer contre son épaule, le temps d'abandonner quelques mots, les derniers. « Je suis désolée Cosmo. » La lame qu'elle avait dissimulée jusque là transperce sa chaire, elle utilise sa prise autour de sa taille pour accompagné le mouvement du couteau. Ses lèvres se pincent, pour faire cesser les tremblements, les larmes brûlent ses robes d'azures, sans pour autant souiller son visage. Elle demeure contre lui, écartant seulement son visage pour plonger son regard de selon de son frère. L'incompréhension figée sur ses traits, alors que la vie s'échappe de sa carcasse, il se fait plus lourd, plus pesant. Elle l'accompagne dans sa chute, le sang les tachants tout les deux. La fratricide demeure au côté de sa victime. Ce n'est que lorsqu'il ne peut plus être sauvé que la voix de la divine s'élève à nouveau. « A l'aide. » Tremblante, la voix haut perché, elle joue son plus beau rôle. Elle enlève le couteau, plaque ses mains contre la plaie béante, en sachant pertinemment qu'il n'est déjà plus qu'un cadavre.