Avgust est un jeune, mais ambitieux, membre de la garde des Morozova, loyal aux souverains de Mysrathan. Zdenka est couturière de talent, sa magie d'illusions enchantant les parures des riches et puissants. La rencontre se passe au palais des astres, alors qu'elle vient préparer la robe de la reine pour le prochain bal. L'ambiance est électrique entre les deux faes : il la trouve charmante, elle n'a d'yeux que pour son art. Personne n'aurait parié sur eux. Et pourtant, dix ans plus tard, à l'aube du siècle, Avgust prouve à tous que sa persévérance paie alors qu'il épouse Zdenka et prend son nom, sa propre famille étant moins prospère que les Vesely.

Dans l'obscurité qui a avalé Kribirsk, les prières se tournent vers Zerya, la supplient de prendre sous son aile la vie qui grandit dans le ventre de Zdenka. S'il vous plaît, demande Zdenka, égarant une pensée vers Hertalia et Hessian. Et les doigts et les pensées entremêlés à ceux d'Avgust, elle souhaite seulement que ces deux-là naissent vivants et en bonne santé, après toutes ces années difficiles. Chez les Vesely, on ignore lequel des trois Aevhens a répondu aux prières - mais le même soir, alors que les étoiles pleuvent dans le ciel, Mihály nait dans un grand concert de pleurs vigoureux, bientôt suivi de sa jumelle, Csilla.

Jumeaux et, pourtant différents. Partout sur son passage, on sent la magie de Mihály piquer les susceptibilités, titiller les sensibilités. L'enfant est terrible, tranchant et mordant comme les vents nocturnes qui balaient leurs montagnes. Son énergie semble exploser dès que le soleil s'éteint, l'accalmie n'arrivant qu'aux rayons de l'aube. Et partout, il traîne Csilla dans son sillage. Toujours, il refuse de se défaire de sa jumelle, même quand la fatigue l'étreint plus tôt, sur les dernières heures de la nuit. Il ne comprend pas encore pourquoi le sommeil de sa sœur est si agité, en quoi ses rêves sont aussi prégnants que la réalité.
L'enseignement commence jeune. Par l'observation, d'abord, depuis les jupons de Zdenka qui s'est vite remise à son art, que rien n'empêche de tisser des illusions merveilleuses. Puis dans les jeux d'illusion et les leçons que leur mère leur donnait pour les occuper, pour les éveiller à leur magie. En 985, les jumeaux rejoignent le prestigieux collège de la Day. Et qu'il est étrange de découvrir un endroit à la lumière du jour quand on grandit sous la lumière tendre de la lune. Amoureux de la lune, Mihály déteste cordialement l'endroit, son ressentiment uniquement apaisé par la présence de Csilla à ses côtés. Toujours.

L'assassinat des Morozova est un coup dur, politiquement c'est certain. Personnellement, aussi, car Avgust, alors capitaine de la garde de la famille, meurt ce soir-là également. La perte est difficile pour Zdenka qui n'accorde aucun crédit à la nouvelle famille en place. Traîtres, les appelle-t-elle, en chœur avec le reste de la famille, pleurant son aimé. Les jumeaux héritent du ressentiment de leur mère lorsqu'en 995, l'attaque des humains les force à fuir Kribirsk, leur lieu de naissance. Persuadés que les Morozova auraient su les préparer contre cette attaque s'ils avaient été au pouvoir.

Csilla parvient à échapper à la brume qui recouvre les terres de la Night. Elle est aidée par deux humains, Jasper et sa fille Petra, qui travaillaient au service des Vesely. Mais Mihàly et les autres Vesely disparaissent. D'un accord tacite, le trio parcourt les terres dévastées dans l'espoir de retrouver leurs proches. Le groupe forme un étrange tableau, réunissant humains et faes autour de la même souffrance, de la même perte. Celle d'un foyer perdu. En 999, les bouleversements climatiques et les créatures qui émergent poussent le trio à renoncer aux recherches infructueuses et à se réfugier vers des territoires moins hostiles.

Les accords pourpres et l'hostilité contre les faes rendent difficiles la survie. Jasper, Petra et Csilla se sont installés dans une vieille maison abandonnée, à l'écart de la ville et ils vivent chichement de ce que l'humain parvient à chasser, et de travaux de couture trouvés en ville par Petra. Csilla, restée cachée dans la maison, finit cependant par être découverte à la suite de la délation d'un curieux qui tourne autour de l'endroit (et, surtout, de Petra). Fae jeune, partiellement formée à la magie, la résistance est maigre face aux soldats entraînés et Csilla est rapidement capturée.
Entre les mains de l'armée rouge, elle sort de sa cage pour les interrogatoires et, surtout, le plaisir de se venger de l'engeance qui a asservi les humains si longtemps. C'est en 1011 qu'elle est envoyée au cercle de Zeherim, jeune demoiselle brisée, fae obéissante et servile, maladivement craintive. Elle ne tente plus de s'échapper, pas par les moyens illégaux en tous cas, et étudie studieusement ce qu'on lui dit d'apprendre. Tant de temps à proximité du lyrium a abîmé sa magie, il lui faut dix ans de plus pour passer et réussir l'examen : en 1021, Csilla quitte enfin le Cercle à l'âge de 84 ans.

Csilla fuit Zeherim, serait plus correct. Peu après sa sortie du Cercle, une vieille dame humaine l'avait recueillie en tant que bonne à tout faire et la traitait avec une décence bourrue. Quelques années passent, et l'humaine ne rajeunit pas - au contraire. Csilla se laisse convaincre par ladite dame de l'aider à mourir (et quoi ? tu vas me laisser mourir le plus lentement possible pour profiter du salaire de misère que je te donne ?) et l'endort profondément pour lui épargner les tourments de l'agonie. Malheureusement, elle est surprise par le fils et la belle-fille. Paniquée et terrorisée quand ils annoncent la livrer l'Armée Rouge, elle cherche à fuir, empêchée par le fils qui cherchait à la retenir. Dans l'altercation, elle le blesse involontairement, le faisant chuter dans les escaliers de la maison, et fuit sans se retourner, dissimulée par ses illusions.
A Talevir où elle vit de misère et d'agressions racistes quasi-quotidiennes, elle finit par accepter de vendre son corps et de se prostituer, abandonnant le peu de fierté qui lui restait. Quelques jours après son premier client, c'est en pleurant qu'elle enterre, dans une vieille boîte, le pendentif qu'elle partageait avec Mihàly et ce qui restait de l'ancienne Csilla.

C'est le hasard qui met Cardan sur le chemin de Csilla, alors que la fae rend visite à la famille de Petra, retrouvée par un heureux hasard quelques années en arrière. Csilla ne trouve dans la modeste maison qu'un carnage sanglant, perpétré par les anti-faes qui cherchaient querelle à Petra, et un petit garçon caché. Culpabilité et bonté mêlés, Csilla ne se pose guère de question et recueille l'enfant adopté. Elle le ramène avec elle, l'élève comme son propre fils et fait tout ce qu'elle peut pour lui offrir le meilleur.

Au milieu des volutes de drogues, au milieu du stupre, il y a cet homme qui la surprend en payant des fortunes pour simplement dormir et pas pour voir ses fantasmes prendre vie. Là où elle s'attend à violence et revanche pour l'avoir endormi pendant une descente au marché noir où elle se rendait, il offre pardon et décence, demande simplement son aide. Perseus lui donne à nouveau l'impression d'être une personne, une femme - et pas un objet qu'on s'échange entre clients.